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11/07/2009

La boîte à anomalies de Paul Jorion*

Dans ma petite boîte à anomalies

Publié par Paul Jorion dans Economie, Monde financier

Ce texte est un « article presslib’ » (**)

Je vous ai déjà fait part de mon intérêt pour l’anomalie et même si je n’en avais pas parlé, vous l’auriez deviné.

Je conserve ainsi sur mon bureau une petite boîte à anomalies. Pour le moment elle en contient trois.

La première, c’est le parlementaire américain Alan Grayson, qui demande le 5 mai à Mme Elizabeth Coleman, Inspecteur Général de la Federal Reserve, la banque centrale américaine, qui a reçu la somme dépassant le trillion de dollars (en français : billion) ajouté au bilan de la Fed depuis septembre 2008 ? Et la dame lui répond qu’elle ne sait pas et que son service n’a pas examiné cet aspect particulier de la question.

La deuxième anomalie dans ma petite boîte, c’est Mr. Joseph Facciponti, Assistant du Procureur Général américain qui déclare au tribunal le 4 juillet (fête nationale US) à propos de l’arrestation de Sergey Aleynikov, le voleur de programme de trading, que « La banque (Goldman Sachs) a mentionné la possibilité qu’il existe un danger que quelqu’un qui sache utiliser ce programme puisse l’utiliser pour manipuler les marchés de manière malhonnête », suggérant que son emploi habituel consiste à manipuler les marchés honnêtement.

La troisième anomalie nous vient de Larry Levin, un trader vedette sur les marchés à terme américains (on le voit souvent sur CNBC), à propos de la séance d’hier 8 juillet. Dans sa « Nightly Newsletter & Trading Signals », qu’il envoie à qui cela intéresse, il rapporte que la cote du contrat à terme, future, S&P500, un indice boursier, s’était effritée en séance, tombant progressivement de 888 à 875, quand quelque chose se passa soudain … Je lui laisse la plume : « … cela devint fou. Paul passa un ordre de 400 contrats [soit un notionnel de 100 millions de dollars], et un autre, et un autre… et encore un autre. Le dernier ordre ne trouva pas preneur. Qu’est-ce qui s’était passé ? Les courtiers à la corbeille avaient leur version des faits : quelle que soit l’identité de cet acheteur, rien ne l’arrêterait […] … quelqu’un était prêt à acheter pour près de 500 millions de dollars de contrats S&P à terme ». Qu’est-ce que cela signifie ? Cela veut dire que quelqu’un quelque part a à sa disposition des sommes colossales destinées à lancer sur les marchés boursiers des signes d’optimisme forcé.

Ah ! Je vois la question qui vous démange : « Et s’il s’agissait avec ces trois anomalies d’un mystère semblable à celui de la Sainte-Trinité ? »

Question intéressante mais dont je vous laisse l’entière responsabilité. C’est après tout vous qui la posez !

(*) Paul Jorion est un des rares experts à avoir annoncé la "crise".

(**) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

Destruction créatrice ou création destructrice ?

Ceux qui ne savent pas voir les limites de leur idéologie sont condamnés à aller dans le mur ou, ce qui est plus grave, à y envoyer les autres. L’URSS et son économie administrée se sont ainsi effondrées. Devant cette faillite, le seul challenger - le libéralisme - est apparu comme s’il détenait la vérité et, du coup, on lui a lâché la bride. Il semble que nous ayons du mal à penser autrement que de manière binaire : blanc ou noir, lui ou moi, juste ou faux, etc. On est loin de la pensée complexe prônée par Edgar Morin.

 

Le libéralisme – bien mal nommé à vrai dire puisqu’il est rien moins que libéral au sens propre du terme – s’est teinté du néo-darwinisme qui lui donne un socle pseudo-scientifique et il se pose aujourd’hui comme la seule représentation réaliste du monde. Tout le reste – mutualisme, coopération, associationnisme, économies mixtes, etc. – ne serait que rêveries fumeuses et surtout tricheries perturbatrices de la concurrence parfaite sur un marché parfait qui est censée faire – un jour - le bonheur de l’humanité.

 

Le problème n’est pas qu’un système veuille se répandre. S’il produit ce que l’on souhaite et si les gens en veulent, que dire ? Le problème, c’est quand ce système s’en prend au cerveau et rend à ce point aveugle à ses errements et à ses faillites que même ses victimes n’imaginent pas qu’il puisse exister autre chose et se condamnent à essayer de le sauver. Paul Watzlawick parlait de ces comportements en boucle où, n’obtenant pas le résultat désiré, on s’acharne à faire toujours plus. Toujours plus de la même chose évidemment. Et tout aussi évidemment on n’obtient que toujours plus du même résultat indésiré. Et on s’en étonne !

 

C’est bien la situation redoutable que nous vivons en ce moment. Le monde que nous avons construit est régi par quelques grandes croyances : la destruction créatrice, la croissance infinie, la mondialisation des marchés et « l’unification généralisée » des législations, des modes de production, des formes d’organisation, des monnaies, etc. Or, ce monde, à côté de quelques réalisations indéniables, s’accommode d’effets secondaires détestables, comme la multiplication des fractures sociales, l’explosion répétée de bulles spéculatives croissantes et la dissolution du lien social. Il accumule en outre sur nos têtes les charbons ardents du dérèglement climatique, des problèmes de santé liés à la pollution de l’air, de l’eau et des aliments, et de la destruction de l’écosystème terrestre.

 

Combien de temps, dans l'illusion de nous sauver, allons-nous continuer à faire toujours plus de la même chose ?

09/07/2009

Tartuffes

J'écrivais récemment que ceux qui réclament le "marché parfait" n'ont de cesse que de l'empêcher de fonctionner dès qu'il s'oppose à leurs intérêts. La pétition que vient de lancer eBay et dont vous pourrez lire le texte ci-dessous, révèle une tartufferie supplémentaire des prétendus tenants du libéralisme.  

"eBay fut bâti autour d'une idée simple - offrir de nouvelles possibilités aux gens par la création d'une plateforme de commerce mondiale, où pratiquement n'importe qui dans le monde pourrait acheter ou vendre tout type d'objets. Mais cette idée est menacée par certains titulaires de marques et les fabricants, qui tentent de bloquer la vente de produits sur les plateformes Internet et autres sites de e-commerce.En fin de compte, les enjeux sont les suivants : le droit pour nos vendeurs de proposer leurs produits légalement sur un marché en ligne, vaste et concurrentiel, et le droit pour nos acheteurs d'accéder aux offres les plus intéressantes parmi une sélection de produits la plus large possible.Certains titulaires de marque se justifient en affirmant que leur objectif est d'empêcher la vente de contrefaçon sur eBay. Mais grâce à la collaboration avec 31 000 autres titulaires de marques, aujourd'hui seulement 0,15% d'annonces sur nos sites ont été détectées ou signalées comme présentant un risque de contrefaçon.Le véritable objectif de ces titulaires de marque consiste à empêcher la vente de tous leurs produits sur notre site, quel que soit le type de bien, qu'il soit neuf, d'occasion, d'origine ou contrefait. Il ne s'agit pas uniquement des produits de luxe, mais également d'objets de la vie quotidienne comme les jouets, le matériel électronique, les tondeuses à gazon et les poussettes. Et si nous souhaitons empêcher les autres titulaires de marque de poursuivre leurs agissements, nous devons agir maintenant.

C'est pourquoi nous appelons la Commission européenne et le Parlement européen à amender la législation européenne relative à la concurrence, afin de mettre un terme à ces pratiques injustes."