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07/07/2009

Tom Sawyer

« Tom Sawyer,

C’est l’Amérique,

Le symbole de la liberté! »

 

Vous avez peut-être encore, comme moi, cette ritournelle dans la tête...

 

Je ne sais pas ce que l’écolier buissonnier de Marck Twain aurait pensé de cette déclaration de Craig Barrett, ancien président d’Intel, selon qui on ne devrait pas donner le permis de conduire  aux jeunes qui n’ont pas terminé leurs études secondaires : « Pas de bac ? Pas de permis ! Il serait irresponsable de confier une voiture à un illettré. » Il l’aurait dit de la détention d’armes que j’aurais mieux compris – encore que les serial killers ne se recrutent pas exclusivement chez les illettrés. Mais, en l’occurrence, je vois surtout dans cette exclamation une expression d’élitisme intellectuel et une erreur de jugement : la qualité de la conduite d’un véhicule a peu à voir avec les processus mentaux qui permettent de passer avec succès un examen scolaire. Tout au plus, cela permettrait de renvoyer dans les limbes ceux qui arrivent dans la société avec un handicap culturel ou linguistique. Dès lors, combien de bons conducteurs, si on devait leur faire passer le bac, se verraient-ils interdits de conduite - et, subsidiairement, perdraient leur emploi ? Non, tout bien réfléchi, cette tonitruante déclaration ne m’ébahit pas d’admiration. Elle confirme juste que pour avoir montré une grande intelligence dans un domaine on n'est pas à l'abri de dire de ronflantes stupidités dans un autre.

 

En revanche, je suis persuadé que Tom Sawyer apprécierait les manifestations de la résilience qui se développe en ce moment dans l’Amérique profonde. Confrontés à la crise, ignorants de la vulgate économiste qui nous corsète, quantités de bourgs et de villes se mettent à imprimer leur propre monnaie. En toute simplicité. Mourir au nom des grands principes, ce n’est pas leur affaire. Je vous invite à lire l’article que vient de me faire suivre Jean-Marc Levy Dreyfus qui connaît bien la question des monnaies complémentaires : http://www.lepoint.fr/actualites-monde/2009-07-02/le-systeme-d-contre-la-crise/924/0/357859

 

J’en profite pour vous inviter à vous procurer le n° 2 de Transitions où plusieurs interviewes et principalement celle de Bernard Lietaer abordent le sujet des monnaies complémentaires. Le n° vous sera envoyé franco de port et d’emballage contre un chèque de 15 € à l’ordre de l’ Association Transitions - 26, rue George-Sand  75016 - Paris

 

06/07/2009

Impossibles

Dans ma dernière chronique, je citais Andreu Solé*. Andreu a créé le concept que je trouve très puissant des "possibles" et des "impossibles". Ceux-ci révèlent les structures les plus caractéristiques et rénitentes d'un monde créé par des humains. Pour le monde des Aztèques, par exemple, il est possible que le soleil ne renaisse pas au terme de l'année et toute la vie communautaire s'organise autour des moyens d'éviter la plongée dans les ténèbres. Il est plus facile de voir les possibles et les impossibles d'un monde quand on est à l'extérieur. D'ailleurs, s'agissant d'autres monde que de celui d'où on regarde, on parlera souvent de superstitions.

Cependant, notre monde, tout rationnel et pragmatique qu'il se veuille, a comme les autres ses possibles et ses impossibles, et ils sont d'apparence tout aussi arbitraire ou gratuite dès qu'on les regarde d'ailleurs. Par exemple, malgré la succession des bulles qui explosent de plus en plus violemment, un des impossibles les plus tenaces de notre monde concerne l'utilisation de l'argent: impossible de ne pas chercher à faire de l'argent avec de l'argent! Cependant, le prêt à intérêt était condamné par l'Eglise médiévale et il l'est toujours par de grandes traditions religieuses. "Bondieuseries!" allez-vous vous esclaffer. Mais, bien avant, Aristote, qu'on ne peut soupçonner d'une crédulité excessive, avait examiné la question et conclut lui aussi que faire de l'argent avec de l'argent était néfaste. Pouvez-vous imaginer un monde où la masse monétaire ne s'accroîtrait pas des intérêts produits ou des spéculations, mais seulement à mesure de la création de richesses réelles ? Un monde où la dette n'existerait pas mais où "l'emprunteur" et le "prêteur" seraient en fait associés au sein d'un projet commun ? 

Il faudrait sans doute, pour cela, toucher à un autre impossible, plus fondamental.

Regardez autour de vous, tendez l'oreille: qu'est-ce qui est le plus présent, sensoriellement, dans notre monde ? La publicité. Que cherche-t-elle à générer ? Le désir d'acheter, de consommer, autrement dit l'insatisfaction de ce que vous avez déjà. Voilà le mot-clé du monde que nous avons construit: l'insatisfaction. Observez bien: sans l'insatisfaction, notre forme d'économie s'écroule. Alors, vous devez sans cesse avoir envie de changer. De voiture, de robe, de chaussures, de maison, de look, de téléphone portable, de PC, et cela même s'ils remplissent encore leur fonction... Pour notre monde, la plongée dans les ténèbres ce serait l'impossibilité de rallumer sans cesse l'insatisfaction.

Le problème, indépendamment du type d'être humain sous influence que cela engendre, c'est que le cercle, à trop être caressé, est devenu vicieux. Ce n'est tout simplement plus viable. Du point de vue social, vous pouvez consommer tant que vous voulez, faire tourner la machine au maximum et même vous endetter pour cela, l'emploi continue à fuir de vos villes et de vos villages, le territoire où vous vivez s'appauvrit, la société se désagrège, la misère et la violence s'y accroissent - et on est loin d'avoir tout vu. Du point de vue écologique, nous sommes, encore plus radicalement, en train de détruire les équilibres qui nous permettaient de vivre sur la planète, nous préparons notre propre extinction.

Alors, pouvez-vous imaginer un monde fondé sur un autre impossible que celui d'être satisfait ?  

* Andreu Sole est l'auteur de "Créateurs de mondes".

05/07/2009

Qui ose parler de "marché parfait" ?

Les tenants de l'idéologie du marché affirment que les dysfonctionnements que nous connaissons résultent de ce que le marché n'est pas assez "parfait", pas assez fluide, qu'il y a encore des frottements dus aux protectionnismes divers.

A l'opposé, je me souviens d'Andreu Sole soutenant que les entreprises qui parlent le plus de la nécessité du "marché parfait" sont justement parmi les acteurs du marché ceux qui entendent le détourner à leur profit, c'est-à-dire l'empêcher de fonctionner librement, au besoin en faisant légiférer la puissance publique, ce qui est un comble. C'est ainsi, par exemple, que se sont retrouvées interdites de commerce des variétés végétales que nos ancêtres cultivaient.

Andreu Sole rappelait en outre qu'Adam Smith considérait que, pour qu'il y ait perfection du marché, il faut qu'il y ait liberté et circulation d'information.

Comment classeriez-vous la récente décision ministérielle qui vise à empêcher un site Internet - en fait à le taxer si lourdement que cela revient à le lui interdire - de fournir l'état des prix pratiqués à la pompe dans un périmètre donné ? De quel genre de protectionnisme s'agit-il ?

http://www.lesprixducoin.com/widget-prix-carburant.html

S'agirait-il de protéger les forts contre les faibles ?

Ce qui m'inquiète: à coups de petites mesures discrètes comme celle-là, dans quelle société - parée du nom de démocratie - nous prépare-t-on à vivre ? Serions-nous la grenouille de la fable que l'on fait cuire si doucement qu'elle n'aura plus la force de sauter hors de la marmite quand cela commencera vraiment à chauffer ?

Ajoutez à cela l'opprobe qu'on peut jeter sur ceux qui auraient de trop bons yeux et une trop grande gueule - cf. http://fr.news.yahoo.com/76/20090703/tfr-1er-mai-un-procs... - et vous avez la marmite et son couvercle.