01/11/2020
Cauchemar
Je suis sur le dos, je suffoque. Il y a de l’eau partout, autour de moi, au dessus de moi. Je suffoque et m’agite, mais deux bras impitoyables, aux serres d’acier, me maintiennent. A travers les remous, je reconnais le visage, celui trop connu de ce Hyde à qui des naïfs, le prenant pour Jekyll, m’ont livrée. Des yeux d’une froideur reptile, la mâchoire crispée et, la bouche, un rictus entre jouissance et haine. Et il me semble entendre : « C’est pour votre bien ». Autour de lui, sur la grève, j’ai l’image floue d’une foule. Au plus près, des gens en bleu, en uniforme, qui assistent à mon assassinat, les uns impassibles, les autres l’air satisfait. Il y en a aussi qui détournent le regard mais ne font rien. Alors que ma pensée s’obscurcit, je perçois aussi autour de la scène la présence d'hommes et de femmes de tout milieu, indifférents et comme lointains, ou bien sidérés, hésitants. Fuyants. Des petits groupes applaudissent. Quelques autres s’agitent, veulent intervenir, mais sont vitre maîtrisés par leurs semblables que la peur domine, ou par les hommes en bleu. Sous l’effet de l’asphyxie, le temps se met alors à défiler dans mon esprit. Les siècles s’enchaînent à une vitesse vertigineuse… Une telle histoire et en arriver là ? Mon Dieu, va-t-il se passer quelque chose, enfin ! Je suis la France !
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31/10/2020
La dette
L'une des conséquences de la politique qui a été choisie par l'Etat pour gérer ce qu'il nomme "la crise sanitaire" sera d'accroître vertigineusement l'endettement de la France en même temps que de réduire les moyens qu'il restera à notre pays pour y faire face. Je prends un peu de recul avant de partager mes réflexions sur ce sujet, mais en attendant je vous propose cet article que j'avais publié fin 2013. Depuis lors, hélas! nous avons eu à déplorer la disparition de David Graeber.
Je remercie mon ami Lonny Gold(1) d’avoir repéré ce livre et, en outre, pour être sûr que je le lise, de me l’avoir offert. Debt, de David Graeber, anthropologue américain aujourd’hui professeur à la London School of Economics, est un pavé dans la mare d’angoisse où la «crise de la dette» maintient le monde. Cette dette qui, telle la galipote des légendes vendéennes, perchée sur nos épaules, ne cesse d’accroître son poids au point de nous écraser et qui s’allie à la mondialisation pour se faire la concurrente dévoreuse de tous nos progrès sociaux.
Dans la caverne où, selon le mythe platonicien, nous essayons de donner un sens aux ombres qui s’agitent, David Graeber nous montre la réalité du théâtre qui absorbe trompeusement notre attention. De fait, la dette a été au coeur de l’histoire des hommes depuis cinq mille ans. Aujourd’hui, le phénomène a explosé, il est devenu pandémique et semble ne rien nous promettre d’autre que la ruine. Mais, nous avertit Graeber, il enlise nos esprits bien davantage encore que nos comptes. Par exemple, au contraire de ce que racontent les manuels académiques qui, tous, pour fondement à l’économie, posent le troc que la monnaie viendra fluidifier, la dette, selon Graeber, est depuis toujours le véritable levier de ce monde que nous avons créé. Et, tout au long de l’histoire, loin d’être neutre, le phénomène de la dette est lié au rapport du fort au faible. Est significative, cette déclaration que font aux vaincus tous les conquérants magnanimes: «Je t’ai épargné, tu m’es redevable». Autrement dit, si je ne te prends pas ta vie, tu me la dois.
Au cours de l’histoire, des économies ont été particulièrement emblématiques de cette logique. Dans les latifundia d’Amérique latine, les ouvriers agricoles, descendants des indigènes vaincus, étaient si peu payés qu’au moindre accident de la vie ils avaient pour seule ressource de s’endetter auprès de leur employeur. Comme ils mouraient sans avoir pu la rembourser, la dette se transmettait à leurs enfants qui, à leur tour, s’endettaient et asservissaient ainsi à l’infini les générations à venir. Mais, bien sûr, si vous écoutiez les propriétaires, le problème résidait seulement dans la paresse et l’imprévoyance des salariés. Le mécanisme économique d’asservissement, avant de s’appuyer sur la rationalité comptable - «comment voulez-vous qu’on s’en sorte sans l’esclavage ?» - s’appuie sur la morale. On pourrait aussi évoquer les prostituées contraintes de racheter à leur souteneur la liberté qu’il leur a volée, les pays conquis soumis au tribut imposé par le conquérant, etc.
L’usurier s’enrichit bien moins des intérêts qu’il perçoit que de l’abaissement auquel il accule son débiteur et de la spoliation qu’il se retrouve à même de lui faire subir. C’est pourquoi parler de «crise de la dette» est naïf. C’est oublier que la dette, dans sa logique d’accroissement perpétuel, ne peut que conduire à des crises. En Irlande, au XIXème siècle, on chassait des terres qu’ils avaient mises en gage les fermiers impécunieux et, pour être sûr qu’ils ne reviendraient pas, on rasait leur maison. Regardez aujourd’hui comme, par l’intermédiaire de leurs acolytes des institutions internationales, des banques et des agences de notation, les usuriers du monde font prêcher la privatisation afin de s’emparer du patrimoine des nations dont ils ont décidé la défaillance. Comment ils essayent d’obtenir partout la réduction de ce que coûte l’humain. David Graeber rappelle que le double cri de toutes les révolutions - l’ultime crise de la dette - a toujours été: «Effacez les dettes, rendez les terres!» Le slogan avec lequel Hitler a rassemblé les Allemands qu’écrasait la dette imposée par le traité de Versailles proclamait: «Du pain, de l’honneur, du travail».
S’il y a des exemples plus caricaturaux les uns que les autres, l’ensemble de notre économie est plus ou moins visiblement fondé sur la dette. Le mécanisme peut prendre un tour plus anodin, tellement banal que nous ne le remarquons même pas, mais cela révèle son omniprésence. Il repose toujours sur l’institution d’un déséquilibre, pour ne pas dire d’une injustice. Si, loin des horizons exotiques, l’on regarde dans nos pays le développement du crédit à la consommation dans les années 60, on peut se raconter deux histoires fort différentes. La première, l’histoire dominante - et qui est celle des dominants - parle d’une facilité accordée à des gens qui ne gagnent pas assez d’argent afin qu’ils puissent anticiper la satisfaction de leurs désirs: acheter un réfrigérateur, un téléviseur, une voiture, etc. C’est quasiment une oeuvre sociale que remplit le crédit. L’autre histoire, qui fera peut-être bondir certains de mes lecteurs, mettrait en scène un monde industriel qui veut vendre ses produits avec les meilleures marges, mais sans payer ses salariés au niveau qui leur permettrait de les acheter: le crédit constitue alors la solution, qui, au surplus, invite à s’enrichir cet autre grand acteur du jeu économique qu’est la banque. Je soulève cette question: la dette souveraine ne serait-elle pas, en définitive, le prix de l’évasion fiscale et des délocalisations qui privent l’Etat et le peuple de ressources légitimes ?
Graeber rappelle qu’à l’époque de la prison pour dette en Angleterre, il y avait deux classes derrière les grilles: la première, celle réservée aux jeunes gens dispendieux de la bonne société qui y étaient convenablement nourris et pouvaient recevoir des filles, et l’autre, celle des gueux, où l’on était rongé de vermine et mourrait de temps en temps de la fièvre des prisons tandis que les domestiques de la classe d’à côté vous expliquaient que ce n’était pas bien de dépenser plus qu’on ne gagne. De nos jours, de même que dans les prisons de sa grâcieuse Majesté, n’y a-t-il pas toujours deux sortes de dette et deux sortes d’endettés ? Le pays au monde le plus endetté n’est-il pas les Etats-unis ? Mais les pays les plus vilipendés, crucifiés par les «plans d’ajustement structurel» et les politiques d’austérité, les peuples réduits à quia, sont les plus pauvres. Quant aux donneurs de leçons de morale, FMI et autres institutions, à qui adressent-ils leurs admonestations ? Aux Etats-unis ? Il y avait deux générations que la malaria s’était éteinte sur les hauteurs de Madagascar. Le retour subit de la maladie a tué dix mille personnes. Pour se conformer aux exigences du FMI, le pays avait fait, entre autres, des économies sur son système de santé. Mais, comme dit l’autre: «Quand on doit, on paye». Question de morale, n’est-ce pas ? Ne devrions-nous pas remettre en question cette morale qui, en tout temps et en tout lieu, tombe des lèvres de ceux dont l’enrichissement ne connaît pas de terme, quelle que soit la misère des autres ?
Je disais, au début de cette chronique, que la crise de la dette enlise encore davantage nos esprits que nos comptes. Dans ce registre, Graeber soutient que le concept de marché comme fondement de l’économie est notre première source d’aveuglement. Adam Smith avait sous les yeux une société policée d’où il a extrapolé sa représentation du fonctionnement économique idéal, celle d’intérêts égoïstes qui, se retrouvant au sein du marché, produisent la prospérité de tous. Ce n’aurait dû être qu’une hypothèse à vérifier, mais sur cette théorie s’est édifiée, sans questionnement, la représentation de l’économie dont notre monde est à la fois l’enfant et, aujourd’hui, la victime. Graeber montre aussi que le passage à la dette sous forme monétaire, par sa précision, nous a enfermés dans un monde où n’existe que ce qui peut se traduire en chiffres. Il évoque, pour finir, la façon dont le vocabulaire économique a finalement subverti notre façon de voir le monde et la vie: quel que soit le sujet, nous ne savons plus penser qu’en termes de marché, d’échanges, de prix et de négociations. A ce point, vous penserez peut-être comme moi aux générations futures qui, n’étant pas assises à la table des pourparlers, ne peuvent faire valoir leurs droits, ou encore au marché des droits de polluer qu’on pourrait rapprocher d’un marché du droit de tuer.
Retrouver notre liberté serait en premier lieu redonner légitimité à ce qui est d’un autre ordre que le mesurable. Et notre auteur, quelque peu provoquant, de laisser le mot «amour» venir sous sa plume. Alors, je me pose une question vertigineuse: peut-on imaginer un système économique d’où la dette serait exclue ? Je me souviens de ce que me racontait Alastair McIntosh de la vie, jadis, dans les Hébrides: l’impossibilité de conserver durablement la plupart des denrées alimentaires faisait que les insulaires se les partageaient avant qu’elles périssent. Puis est venu le réfrigérateur et l’échange s’est substitué au partage. Impossible alors ? Pas si vite! Victime du mème dominant, j’ai biaisé mon questionnement en évoquant un «système économique d’où la dette serait exclue». La bonne formulation est: «un monde d’où la dette serait exclue». Le monde actuel juge indéniablement impossible de se passer de l’accumulation de richesse et de l’exploitation de l’endettement. Mais, vous l’avez peut-être remarqué, du fait même de ses excès de tous ordres, ce monde est entré en agonie...
PS:
1. Cette chronique n’a pas la prétention d’être une note de lecture. Je vous invite, si vous voulez vous faire votre propre opinion, à vous reporter à l’ouvrage lui-même dont je découvre à l’instant qu’il vient d’être traduit en français: Dette, 5000 ans d’histoire, David Graeber, éditions Les Liens qui Libèrent, septembre 2013.
2. Voici, dans le New York Times du 11 novembre une interprétation de l’abaissement par l’agence Standard & Poor de la note de la France, qui vient conforter mon point de vue: http://www.nytimes.com/2013/11/11/opinion/krugman-the-plo...
3. Je ne résiste pas au désir de rajouter ce billet qui vient de me parvenir. Food for thoughts comme disent nos voisins: http://cdn.publications-agora.com/elements/lca/newsletter...
(1) J’ajouterai que Lonny est le meilleur enseignant d’anglais que je connaisse, je lui dois personnellement beaucoup. Cf.: http://www.lonnygold.com.
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23/10/2020
Le covid: pourquoi nous n’en sortirons pas
Etrangement, le 28 avril, le Premier Ministre d’alors nous avait déclaré qu’il nous faudrait apprendre à vivre avec le covid. C’était comme l’annonce d’un mariage forcé, d’une union indissoluble, au contraire des épidémies les plus mortelles que l’histoire ait connues et qui se sont toutes un jour terminées. C’était à se demander si nos dirigeants avaient sur ce virus des informations qu’ils ne partageaient pas. Mais, comme l’hypothèse d’une chimère échappée du laboratoire de Wuhan provoqua des cris d’orfraie, il fallut bien faire comme s’il s’agissait d’une espèce de phénomène naturel qu’il nous appartenait d’apprivoiser. Avec mon mauvais esprit, entre le marché aux pangolins et aux chauves-souris, animaux qui sont consommés en Chine depuis des siècles, et non loin de là un laboratoire de haute sécurité inauguré en 2018, je n’aurais pas aussi vite tranché sur la chaîne des causes. Mais la communauté scientifique mondiale est puissante et l’hypothèse d’une oeuvre d'apprentis sorciers aurait engendré un encadrement règlementaire dont la passion de la recherche aurait pâti . Le milieu, à quelques rares exceptions près, a donc fait bloc contre l’exploration de cette possibilité, entraînant avec lui tous les tenants du progressisme scientiste.
« Vivre avec le covid», l’expression a été reprise récemment lors de la présentation, par le ministre des finances, du budget de l’Etat français pour 2021. De son côté, alors qu’on nous annonce des chiffres qui font délicieusement trembler les plateaux de télévision, le président du Conseil dit scientifique a récemment fait savoir que, selon lui, l’on en aurait jusqu’à l’été 2021, que le virus s’affaiblirait progressivement. Lirait-il dans le marc de café ou s’agit-il d’une annonce destinée à nous faire patienter ? Il est vrai qu’il a ajouté que, d’ici là, on aurait peut-être un vaccin. Sur la fonction du vaccin, j’y reviendrai plus loin car, en l’occurrence, elle n’est pas seulement sanitaire ou financière, elle est aussi politique. En attendant, pour tuer le temps, nous avons un film à rebondissements: confinement, déconfinement, distanciation, masques, couvre-feu, le tout sur fond d’une deuxième vague qui n’était pas initialement inscrite au programme. On dirait d’un feuilleton inspiré de Demain nous appartient, dont les auteurs écriraient les épisodes d’une semaine sur l’autre.
Ma conviction est que nous n’en sortirons pas et je vois à cela plusieurs raisons.
D’abord, le réseau des influenceurs sponsorisés par BigPharma a complètement brouillé les cartes. Un des symptômes de cette confusion est la publication par The Lancet, une revue sérieuse s’il en est, d’une étude complètement canularesque que, la honte au front, il lui a bien fallu retirer. Vous vous souvenez: ce travail de gâte-sauce prétendait démontrer que l’hydroxychloroquine tue. Ce médicament, délivré et pris contre la malaria par des millions de personnes sans qu’il ait soulevé la moindre suspicion de toxicité depuis soixante-dix ans qu’il existe, soudainement se mettait à provoquer des problèmes cardiaques. Cela fait penser à ces films où un bon petit père de famille se transforme soudain en un monstre qui hante les bas-fonds et dépèce les filles de petite vertu. Oui, bien sûr, l’hydroxychloroquine peut tuer. Dans la même mesure que vos oeufs au plat: à l’instar de toute substance, c’est affaire de quantité. Comment une pareille affabulation a-t-elle pu surprendre la vigilance de The Lancet ? Le mystère subsiste et il est inquiétant car il éveille un doute général sur l’impartialité et la qualité des affirmations scientifiques. Cependant, nos très réactifs politiques qui semblaient n’attendre que cela ont aussitôt retiré à nos médecins le droit de prescrire la substance diabolisée*. Du jamais vu, dont notre devise « Liberté, Egalité, Fraternité » ne s’est pas encore remise. En revanche, les mêmes continuent de préconiser le Remdesivir dont les tests ont montré à la fois l’inefficacité et le danger. « Cherche pas à comprendre » comme on disait jadis aux colonisés.
Certes, les scientifiques de toutes les époques se sont étripés avec constance quand ils ne partageaient pas les mêmes théories. On peut rappeler, par exemple, s’agissant de l’origine des maladies, la querelle qui opposa Louis Pasteur et Antoine Béchamp, celui-ci mettant en avant le terrain et sa détérioration, celui-là l’agent extérieur et son agressivité. Le choc des théories est quelque chose d’heureux, car une théorie n’est jamais qu’une carte inspirée d’une réalité difficile à appréhender directement dans sa complexité, une carte qui permet aux explorateurs de progresser, de préférence avec précaution. Mais l’on sait que la carte n’est pas le territoire: elle n’en est qu’une esquisse, s’enrichissant ou s’adultérant parfois, au delà de l’observation directe, de témoignages, de déductions, de supputations et d’hypothèses. Il fait donc partie du processus d’avancement de la connaissance que les cartes soient périodiquement en concurrence. Mais si, à cette opacité naturelle du réel que l’on essaye de dissiper, s’ajoutent des éléments perturbateurs qui n’ont rien à voir avec la controverse scientifique, comme l’ego et l’intérêt financier, la carte devient illisible et le voyageur qui croyait pouvoir s’y fier est perdu.
Du sommet de l’Etat jusqu’au maire d’une petite commune, en passant par les préfets et tout l’enchevêtrement administratif dont nous avons, en France, le secret, prendre une décision pertinente au milieu de l’embrouillamini créé autour du covid est devenu ainsi de plus en plus difficile. Au surplus, de nos jours, dans certains domaines, pour un rien on se fait lyncher - médiatiquement en tout cas - et, pour les politiciens, même ceux qui adoptent des postures de bravache, c’est pire qu’attraper une chaude-pisse dans une ruelle. La peur des reproches d'un peuple frileux tétanise les pusillanimes qui vivent de séduire. En ce qui me concerne, je suis prêt à les dédouaner de mon sort. Je l’ai déjà écrit ici: à soixante-douze ans, je refuse d’être un prétexte à empêcher de respirer les jeunes, les commerces, les entreprises et le pays. Qu’on les laisse vivre que diable ! J’en paierai sans discuter le prix éventuel sur ma personne et je suis sûr que beaucoup de gens de ma génération pensent comme moi. Après tout, nous avons eu notre content de chance: nous avons échappé à plusieurs guerres! Mais, et c’est une autre des raisons pour lesquelles je crois que nous n’en sortirons pas, aucun décideur politique n’osera, sur ce terrain-là, prendre un risque, fût-il microscopique. C’est qu'il y a désormais une disproportion fantasmatique entre la décision et ses conséquences possibles, et surtout - l’Histoire le montre - c’est que, si les peuples sont prêts à partager les plus grands risques et à ne pas en tenir rigueur à leurs dirigeants, c’est sous la condition d'avoir confiance dans les valeurs qui les animent. Condition qui est loin d’être assurée aujourd’hui.
Nous en sommes au point que nos décideurs, pour sortir de ce cercle vicieux, ont besoin d’un évènement. Un évènement qui vienne les dédouaner si, par exemple, pour des raisons économiques, ils se jugent contraints de lever les restrictions qu’ils ont imposées à notre liberté relationnelle. Le seul évènement que j’imagine de nature suffisante à les faire descendre de leur manège, sera la mise à disposition d’un vaccin. On enverra le troupeau chez le vétérinaire, on sanctionnera ceux qui traîneraient les sabots, on interdira aux médecins de faire des certificats d’exemption pour raison de santé, et vogue la galère! Enfin, Ponce Pilate pourra se laver les mains et on ne pourra rien reprocher aux élites. Vous remarquerez d’ailleurs, dans leur discours, cet entêtement à se blanchir en nous renvoyant le reproche: si l’épidémie progresse, c’est que nous, les Gaulois réfractaires, nous sommes indisciplinés. Au vrai, nous ne le sommes que parce que nous voulons vivre, que vivre a toujours comporté un risque et que, nous, nous l’assumons. Cela dit, il y a une décision de l’Etat qui, si elle est suffisamment connue du public, ne va pas arranger les affaires: les fabricants de vaccins auraient obtenu d’être exemptés de toute responsabilité, civile ou pénale, pour les dégâts que leurs produits pourraient causer. Cela donne une mesure de la fiabilité des substances qui vont se retrouver sur le marché avant d’être injectées dans nos veines.
Une autre raison pour laquelle je crois que nous n’en sortirons pas, c’est l’impossibilité pour nos dirigeants de reconnaître qu’ils ont commis une erreur. Il suffit d’avoir un peu de mémoire pour se rappeler comment, à quelques semaines de distance et à plusieurs reprises, ils ont affirmé une chose et son contraire, et cela sans que la moindre vergogne les ait fait rougir. Ç’aurait pu être du théâtre de boulevard si le sujet avait été moins grave. Jadis, un politique pris publiquement en flagrant délit de mensonge aurait démissionné sur le champ, par honneur ou sous la contrainte. Aujourd’hui, on est réaliste, on est au dessus de cette momie que l’on nomme la dignité. L’interdiction de l’hydroxychloroquine, le confinement, les masques, le couvre-feu: vous les imaginez faire amende honorable et déclarer qu’une seule de ces mesures n’était pas pertinente ? Cette impossibilité à reconnaître ses erreurs est un autre cercle vicieux dont ils ne peuvent sortir qu’à une condition: que la conviction qu’ils ont eu raison soit suffisamment ancrée dans l’esprit du peuple pour qu’elle ne soit pas remise en question quels que soient les événements. Le jour où ils n’auront plus à craindre un retour d'esprit critique, l’abandon des mesures sanitaires deviendra envisageable, quelle que soit la version alternative des faits - évidemment complotiste - qui tentera de se faire entendre. Le récit de la pandémie sera ainsi verrouillé.
C’est qu’il faut imaginer, à l’inverse, que des sournoiseries ou des incompétences, ou leur apparence, se retrouvent exposées au grand jour, ébranlant même les plus fanatiques des partisans du régime. Imaginez je ne sais quoi, mais quelque chose d’énorme: par exemple que le covid est arrivé sur notre territoire beaucoup plus tôt qu’on ne l’a dit; ou bien que la sensibilité excessivement amplifiée des tests a biaisé les statistiques en produisant des faux positifs en surnombre ; ou encore que le confinement a été sanitairement nuisible, que le port du masque était inutile ou le couvre-feu pure billevesée. Pire que tout, imaginez que l’on découvre - ou vienne à penser - que nous avons vécu un délire collectif en partie organisé, entretenu par une étonnante censure des opinions divergentes sur les grands médias et les réseaux sociaux, et imaginez que le peuple, dans sa grande majorité, adhère à cette révision de l’histoire officielle. Croyez-vous que ledit peuple acceptera de tourner la page sans autre forme de procès ? Tout au contraire: ce qu’il faudrait alors qualifier de forfaiture appellera une autre épidémie, analogue à celle des Gilets Jaunes, mais plus redoutable.**
Et cela m’amène à une autre raison pour laquelle je crois que nous n’en sortirons pas: la logique du pouvoir. Quand vous accumulez des réformes qui, justifiées ou non, sont impopulaires - et que vous en avez d’autres dans la manche - que redoutez-vous ? Un mouvement social incontrôlable qui vous balaierait avant que vous soyez au bout de votre feuille de route. Ce qu’ont failli être les Gilets Jaunes. Alors, quand vous avez l’aubaine d’une contrainte liée au salut public, qui vous permet d'étouffer un feu qui ne demande qu’à repartir, aurez-vous la légèreté d'y renoncer ? En outre, tous les hommes de pouvoir connaissent cette règle d’or: on ne renonce jamais à une parcelle de son pouvoir. Le pouvoir est comme la richesse, il ne connaît pas la stabilité : soit il s’accroit, soit il diminue. Dans un domaine comme dans l’autre, on n’est jamais à l’abri des fissures qui affaiblissent, et la dynamique de toute fissure est de s’agrandir. Je ne vois pas les hommes et les femmes actuellement aux commandes de l’Etat diminuer d’eux-mêmes, serait-ce d’une miette, le pouvoir qu’ils ont acquis. Tout au plus, en modifieront-ils l’expression et, de même que l’on passe du confinement au masque et au couvre-feu, on passera du couvre-feu à autre chose. Au vrai, nous sommes en plein apprentissage de l'obéissance.
Quand j’affirme que nous n’en sortirons pas, sauf au prix d’un vaccin dont Dieu seul sait le bien ou le mal qu’il fera, ou d’une anesthésie définitive de notre lucidité, j’oublie qu’un miracle est toujours possible. La veille des élections présidentielles peut en favoriser l’apparition. On y retrouverait le syndrome de Stockholm*** associé au Père Noël. Il est vrai qu’un autre scénario est également possible. Je vous le laisse concevoir. En attendant, prenez soin de vous: informez vous et cultivez une vigilance sans mollesse****.
* Avant de le leur redonner en catimini.
** Sur le sujet de la censure, cf. Anne-Sophie Chazaud, La liberté d’inexpression, mécanismes de la censure contemporaine.
*** Dès qu’un geôlier sévère diminue tant soit peu sa rigueur et justifie ses actes, il devient quelqu’un de bon dans l’esprit de son prisonnier. C’est le syndrome dit de Stockholm: https://fr.wikipedia.org/wiki/Syndrome_de_Stockholm C’est apparemment l’état durable que Mme Sophie Pétronin a contracté lors de sa séquestration par Daesh.
**** Parmi les médias qui méritent nos remerciements parce qu’ils défendent la pluralité de la parole, j’ai eu la surprise de découvrir France Soir: http://www.francesoir.fr/ . Méritent aussi d’être cités Sud radio https://www.sudradio.fr/ et, parmi les lanceurs d’alerte que YouTube et Facebook ont censuré sur la publication de documents officiels ou d’informations publiques, Silvano Trotta qui, comme d’autres, a dû migrer sur Odysee: https://odysee.com/@SilvanoTrotta:f?order=new
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