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08/02/2010

Rencontre avec un Extra-terrestre

Pranav Mistry, un jeune chercheur indien actuellement au MIT, vous fera l'impression d'un extra-terrestre. Je passerai rapidement sur le talent de ce génie à communiquer de manière simple et puissante en quelques minutes. Il aurait pu donner dans la componction et la suffisance: pas du tout. Sur le fond, il y a cette façon d'envisager le futur de l'ordinateur qui est une véritable rupture par rapport à nos représentations habituelles. Mais - et j'oserais dire surtout - il y a à la fin une double déclaration complètement en dehors de notre manière de nous représenter le jeu économique. En premier lieu, premier paradoxe, à l'inverse de la "loi" que nous avons établie selon laquelle une innovation doit s'adresser d'abord aux couches supérieures du marché, le nec plus ultra de la technologie qu'est en train de développer Pranav Mistry n'est pas réservé à une élite. Tout au contraire, il doit être directement accessible à la masse. C'est ce qu'un autre indien génial, Porus Munshi, explique dans le dernier numéro de Transitions: il faut passer de la logique d'exclusion à la logique d'inclusion. En second lieu, le logiciel que Pranav Mistry est en train de développer sera disponible en open source. Voilà un autre rapport au jeu économique. Ceci confirme ma conviction que ce sont les valeurs de ceux qui entreprennent qui  aujourd'hui changent le monde, plus sûrement que les législations et les discours des professionnels du spectacle politique:

http://www.20minutes.fr/article/380583/High-Tech-Voici-l-...

31/01/2010

Faut-il se voiler la face ?

Encore un coup, je ne vais peut-être pas me faire que des amis - et surtout des amies - mais en me cramponnant à la devise de Jules Lagneau selon qui il faut savoir "penser difficilement les choses faciles", je vous invite à réfléchir différemment sur le problème du voile islamique.

Selon les ex-RG, il y a quelques mois, le port de la burqa concernait en France moins de 1000 femmes. Or, ce sujet aura mobilisé ces derniers temps plus de députés, de sénateurs et, globalement, de professionnels du spectacle politique que n'a pu le faire le sort des 600 000 chômeurs qui, pour la première fois dans l'histoire de la France moderne, vont se retrouver sans le moindre euro de revenu. Il a mobilisé plus d'attention et d'énergie que les bonus les plus élevés que se soient attribués les nouveaux seigneurs qui ont fait main basse sur l'économie du monde, et cela avant même que celle-ci se soit remise à créer de l'emploi et des richesses réelles. Alors, la disproportion est telle que, pardonnez-moi, je trouve ce zèle "anti-voile" légèrement suspect.

Dans Douze hommes en colère, l'extraordinaire film de Sidney Lumet, un jury se réunit et, dès la première minute, la sentence s'impose: l'accusé est un jeune des bas-quartiers, issu au surplus d'une communauté qui alimente en délits et en violences les statistiques de la police, et l'arme du crime lui appartenait. Il ne peut être que coupable, la cause est simple et entendue. Seulement, il s'agit du meurtre de son père - qui le battait régulièrement - et il s'agit de rien moins que sa tête. Au tour de table préliminaire, destiné à constater une éventuelle unanimité qui abrègerait la séance, Davis, un architecte qu"incarne Henry Fonda, ne vote pas la culpabilité. Il est seul face aux onze autres. Gros émois. "Mais alors, vous le croyez innocent!" s'exclament ceux-ci, scandalisés. Et Davis de donner cette superbe réponse, qui fonde toute la posture démocratique: "Je ne sais pas s'il est innocent ou coupable, je veux juste qu'on en parle". Le débat doit avoir lieu et ceux qui pensaient plus important de retourner à leurs affaires personnelles, à leur match de basket ou à leur soirée au coin du feu, sont furieux. Les voilà en demeure de penser!

Je ne suis pas pour le voile islamique. Je ne vois ni ma fille ni ma chérie porter la burqa. Pour reprendre le texte de Fonda, "je veux juste qu'on en parle". Et en évitant, si possible, de tomber dans les stéréotypes qui font que notre pensée devient aussi mécanique qu'un tunnel à transformer les cochons en saucisses de Strasbourg. Et je voudrais partager rapidement trois remarques et une réflexion dont vous ferez ce que vous voudrez. La première remarque, c'est que, lorsqu'on ne peut pas ou ne veut pas s'empoigner avec les vrais problèmes, on en monte un mineur en épingle. Cela fait diversion. C'est l'encre de la seiche, la muleta du torero, le mouchoir du prestidigitateur, bref l'arbre planté devant la forêt. La deuxième, c'est qu'il y a en ce moment une diabolisation de l'Islam qui se nourrit d'un amalgame. Pour faire vite, on dira qu'on y trouve le 11 septembre, la délinquance en banlieue et le malaise identitaire des Français qui ne sont plus ce qu'ils avaient l'habitude d'être, qui se sentent partir à vau-l'eau et ont besoin de cristalliser leurs peurs, leurs humiliations et peut-être plus sur "l'étranger". Ma dernière remarque (pour aujourd'hui), c'est qu'une manière des médiocres de se sentir de nouveau puissants est de s'instituer en donneurs de leçons et de se donner une cause qui permet de cracher leur venin en toute impunité. Je ne dis pas que les inquiétudes qui s'expriment relèvent toutes des trois caricatures que je viens de brosser. Je dis qu'il faut se méfier de ces phénomènes sournois qui, trop souvent au cours de l'Histoire, ont déjà transformé l'homo sapiens en homo demens comme dirait Edgar Morin. - A minima, de mauvais mobiles ont trop souvent desservi les meilleures causes et les meilleures causes peuvent attiser de sales passions.

Je vous avais aussi annoncé une réflexion, c'est-à-dire une approche plus approfondie. La voici. Il s'agit d'un article écrit par Tülay Umay, une sociologue anatolienne établie en Belgique, et je vous le laisse à méditer: http://www.voltairenet.org/article162762.html#article162762

14/01/2010

Identité nationale

On a les angoisses qu'on peut. Que voulez-vous, je n'en ai pas quant à mon identité nationale. Je suis chrétien - mais pas tendance Pie XII, plutôt tendance Gandhi si vous voyez ce que je veux dire - et je ne me sens pas menacé parce que ma collègue du bout du couloir ne mange pas de porc et ne boit pas d'alcool. Les débats télévisés comme celui de ce soir, derrière d'apparentes oppositions entre leurs protagonistes, me semblent plutôt réconcilier ceux-ci sur une cécité plus ou moins volontaire: la mise en épingle d'un sujet qui est loin d' être urgent - même s'il est important - et qui fait oublier le drame qu'on ne sait comment prendre et qui se joue ailleurs. Au vrai, j'ai l'impression qu'on est sur le Titanic: l'iceberg est à une encâblure de l'étrave, le capitaine fait des ronds de jambe aux rombières empanachées et on se dispute pour savoir si le couteau se met à droite ou à gauche de l'assiette. Parce que la vérité de notre situation, braves gens, c'est que nous courons au naufrage et que les catégories mentales de nos politiques, de droite comme de gauche ou d'ailleurs, ne leur permettent pas d'imaginer les voies de salut. Une chose qui n'est pas souvent évoquée, c'est que la manoeuvre tardive du Titanic pour éviter la montagne de glace a eu pour effet qu'il présente à la collision sa paroi la plus fragile. L'histoire de ce naufrage est une illustration de dimension mythique de l'arrogance, de l'aveuglement et des décisions de dernière minute.

L'économie artificielle fondée sur la spéculation nous fait croire à une sortie de la crise. Dormez brave gens! Elle nous cache en fait que l'économie réelle, celle de la production des biens les plus fondamentaux, va de plus en plus mal. La masse monétaire s'enfle de nouveau, par le simple jeu des espoirs de gain, mais sans que rien de concret la soutienne. Les perspectives de faillite parmi les PME-PMI et les TPE - les seules à créer et défendre l'emploi là où les gens vivent - ces perspectives de faillite ne cessent de s'accroître. Des Etats de plus en plus nombreux voient leur cotation par les agences menacée de déclassement, ce qui signifiera bientôt pour eux un service de la dette publique de plus en plus écrasant et le nécessaire déclin de leurs services publics, transports, écoles, santé, etc. Parallèlement, d'énormes masses de capitaux explorent la planète à la recherche de terres fertiles, de kilomètres de côte bien peinards, de massifs forestiers bons pour le pillage: les riches sont en train de faire leur marché, de s'assurer l'espace, l'air et la nourriture qu'on enlèvera bientôt aux plus pauvres. Cependant, notre obsession de la consommation, fin et origine de toute chose dans la vulgate économique, continue de ronger l'écosystème, de pousser à l'épuisement de ressources désormais comptées, de saturer de scories un environnement et des organismes qui n'en peuvent plus. L'emploi s'enfuit de nos pays et, pour ne pas ressentir l'appauvrissement qui en résulte, nous nous approvisionnons auprès de ceux-là mêmes qui nous vident de notre substance tout en empoisonnant l'air et l'eau. Politique de Gribouille qui se jette dans le lac pour ne pas se mouiller.

Notre identité nationale, au cours de la décennie qui vient, ce ne sera pas la prolifération des minarets, de voiles ou d'accents étrangers, ce sera le déclin de la classe moyenne et l'angoisse de plus en plus générale de la paupérisation. Non pas du fait - marginal eu égard au phénomène que j'évoque - des immigrants et des immigrés, mais du fait du système de rente, de la paresse intellectuelle et politique, des idéologies et des illusions dans lesquels nous nous sommes endormis. Nous avons eu l'outrecuidance de croire que les pays du Sud nous débarrasseraient des tâches salissantes et que nous conserverions l'apanage de l'intelligence. La Chine et l'Inde seraient ainsi la main d'oeuvre d'un monde dont nous resterions les ingénieurs! Une vision de colonisateurs suffisants. Mais, du fait de cette vision, nous avons embrassé la mondialisation comme une opportunité de vivre aisément sans nous remettre en question. Nous avons cru qu'en abaisssant nos frontières, nos marchandises partiraient à la conquête des cinq continents et qu'en échange les flux financiers afflueraient vers nous. C'est exactement l'opposé qui s'est produit. Nous n'avons plus ni la force de frappe industrielle qui s'est déplacée vers les économies émergentes, ni la capacité à vivre de bulles spéculatives successives qui restent le privilège du capitalisme anglo-saxon.

Alors, un débat sur l'identité nationale aujourd'hui, c'est une opération de prestidigitation. L'illusionniste nous induit à nous détourner du hublot en nous demandant si le couteau se met à gauche ou à droite de l'assiette.