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24/04/2011

Pâques 2041

 

 

Une des réflexions que peut nous inspirer cette grande fête de Pâques, c’est que nous voyons plus facilement ce qui meurt que ce qui naît. Il n’y a pas de jugement dans cette constatation, juste une mise en garde contre le pessimisme et la stérilité.

 

Ne voir que ce qui meurt, c’est souvent essayer de le retenir. C’est refuser la vie qui, elle, de toute façon, poursuit son chemin. C’est se lier à une épave et, finalement, couler avec elle. Or, ne voir que ce qui meurt, en refuser la disparition, c’est le grand risque des années que nous vivons, qui, pour être un début de siècle, regardent bien davantage, me semble-t-il, vers le XXème.

 

Il n’y a pas que les êtres qui meurent, il y aussi les représentations que nous nous faisons du monde, de la réalité, de notre vie d’humains. « Laissez les morts enterrer les morts » dit Jésus. Les Trente Glorieuses ont façonné notre vision de la vie, du bonheur, de la réussite. Elles se sont fait passer à nos esprits pour le « One best way », l’unique et exclusif modèle, et de ce fait elles enferment notre pouvoir créateur. Propulsées par des énergies peu chères que l’on croyait inépuisables et fleurissant sur une planète assez vaste pour accueillir tous les déchets et toutes les pollutions, ces Trente-là, que nous regardons encore comme l’âge d’or, sont derrière nous, dans un passé inaccessible, et elles ne nous appartiennent plus. Celles qui nous appartiennent, qui sont l’espace où incarner notre génie et notre courage, sont au contraire devant nous. C’est 2011-2041.

 

2011-2041 : nous pouvons en faire des années de construction, de création, de civilisation - ou de démission. Nous pouvons réinventer l'économie, la société et le bonheur ou, pour maintenir en vie des modèles qui nous entraîneront dans leur agonie, pour vouloir donner raison aux idéologies que nous avons excessivement adorées, nous épuiser dans l'acharnement thérapeutique. Alors, si nous voulons éviter le sentier où nous nous perdrions, sachons dire notre gratitude à ce que nous avons connu et aimé, mais sachons aussi lui dire adieu. Afin, l’esprit et le cœur libérés, de continuer, debout, notre aventure.

Joyeuses Pâques!

19/04/2011

Compulsion bureaucratique

Un ami auto-entrepreneur me montre hier une évolution - ou plutôt une involution - significative des formalités liées à son statut.

Au départ, l'ambition de l'Etat a été, semble-t-il, de faire le plus simple possible : l'auto-entrepreneur n'est tenu de fournir sa déclaration trimestrielle de recettes que si recettes il y a eu. Entendez que s'il n'a pas engrangé un kopeck, il n'a rien à faire. Sur la déclaration trimestrielle - y compris encore sur celle que mon ami vient de recevoir - il y a cette phrase très claire: "En l'absence de chiffre d'affaires ou de recettes, le travailleur indépendant n'est pas tenu de transmettre le formulaire". Une audace inouïe, vous en conviendrez, au pays des gabelous!

Mais, repentir de l'Administration qui a dû connaître des affres d'angoisse devant l'inconscience du Législateur, voici l'injonction extraite du document en quadrichromie qui accompagne ledit formulaire au titre du premier trimestre 2011: "Vous devez désormais compléter et adresser votre déclaration, systématiquement chaque mois ou chaque trimestre [ce n'est pas moi qui souligne]. En l'absence de chiffre d'affaires, il convient d'indiquer zéro pour la période concernée".

Il y a des fumeurs qui arrêtent de fumer, des alcooliques qui arrivent à se délivrer de leur dépendance au beaujolpif et des drogués de leur addiction à la chnouffe. Il semble que l'Administration française, elle, soit incapable de se désintoxiquer. Je me souviens d'un homme politique qui disait jadis: "La France se gouverne à coup de secousses". On comprend pourquoi. Mais à quand la secousse suffisamment rude pour en terminer avec ces comportements obsessionnels ?

18/04/2011

Concurrences

 

 

Depuis plusieurs années une chaîne d’hypermarchés cherche à s’implanter dans mon coin de banlieue. Les autorisations administratives lui avaient été refusées, jusqu’au mois dernier où, finalement, le permis de construire lui a été enfin accordé. La concurrence profitant au consommateur, moi qui suis un consommateur je devrais me réjouir : les prix vont baisser - n'est-ce pas ? - ou la qualité des produits et des services augmenter, ou les deux. Pourtant, je fais partie de ceux que cette implantation désole : elle va se faire, en effet, au détriment d'un bois de 18 000 m2. Bien sûr, à une poignée de kilomètres, il y a une forêt bien connue, d'une superficie de plus de 2000 hectares, où, le dimanche, quand il fait beau, on retrouve en train de suer la moitié des joggers et bikers de la circonscription. Mais, n’en déplaise aux arithméticiens qui calculeront le rapport entre les surfaces naturelles et le nombre d’habitants, ce n’est pas la même chose que d’avoir un bosquet dans son voisinage.

 

A qui profitera réellement cette implantation ? Sans aucun doute à la chaîne qui y aura un capteur supplémentaire de flux financiers. Aux quelques personnes, aussi, qui auront la chance de s’y faire embaucher. Mais ce n’est pas parce qu’il y a un magasin de plus près de chez nous que nous allons prendre un repas supplémentaire chaque jour. Cela, c’étaient les Trente Glorieuses. La tendance lourde actuelle est à l’appauvrissement progressif de la classe moyenne.  Le niveau de consommation ira donc décroissant au cours des années à venir et cette création d’emplois ne sera au final qu’un transvasement. Les caisses sans caissières, d’ailleurs, vous le remarquez sans doute aussi chez vous, apparaissent et se multiplient.

 

Alors, il faut regarder les choses en face. Nous en sommes au point où la concurrence se joue non pas entre activités marchandes, mais entre les activités marchandes d’une part et notre milieu de vie d’autre part. Et par voie de conséquence entre ce qui appartient à tous et ce qui est privatisé, partant entre ce qui est marchand, ce qui se paye, et ce qui est gratuit. Pour en revenir à mon histoire clochemerlesque, on va remplacer un lieu ouvert, où l’on peut respirer librement, dont la vue est agréable et la fréquentation gratuite, par un lieu privé, fermé, sans beauté, où dépenser de l’argent quand on en a.

 

Vous n'étouffez pas de plus en plus dans cette société qui se fonde et s’organise sur la représentation de l’humain comme un simple "agent économique" ?  Vous ne vous sentez pas bien davantage qu’un « destructeur final » - le terme consacré du marketing pour qualifier le consommateur - et, dans ces autres dimensions de votre être, vous ne vous sentez pas aujourd’hui de plus en plus nié par ce monde qui, bien sûr, est notre création, mais à qui nous laissons prendre le dessus sur nous ?

 

La vraie concurrence ne serait-elle pas, aujourd'hui, entre les représentations de l'humain ?