28/03/2020
Et si…
Passées les premières conférences à distance et en dépit de quelques stakhanovistes qui en convoqueraient ne serait-ce que pour constater qu’on n’a plus rien à se dire ou parce qu’ils ont besoin, l’air de rien, de partager leur angoisse devant un monde qui se dérobe à leur besoin de contrôle, la charge de travail s’amenuise, tout ralentit. Vous finissez par ne plus même mettre votre cravate ou jeter un coup d’oeil à votre coiffure en passant devant la glace avant d’ouvrir votre écran. D’ailleurs, la dernière fois, vous avez prétexté une panne et vous avez débranché la caméra.
Passé le souci des stocks de papier-toilette, de riz et de pâtes, et comme il ne vous reste plus, du dehors, que ce que vous pouvez en voir de la fenêtre de votre appartement ou au grand écran de votre télévision murale, et, de l’avenir, qu’un embrouillamini de scénarios contradictoires, le confinement vous est l’occasion d’une rêverie morose.
A vingt ou vingt-cinq ans, vous êtes parti à la recherche d’un emploi, vous avez réussi à vous faire recruter par une grande compagnie du genre Bayer, Goldman-Sachs ou BigPharma et, trop heureux d’avoir un job par ces temps difficiles, vous y êtes resté, faisant même éventuellement preuve de quelques talents qui vous ont permis d’améliorer votre statut et vos revenus. C’était il y a quelques lustres. Aujourd’hui, coronavirus mis à part, vous regardez vers l’avenir avec confiance: la « boîte » est solide et vous y êtes reconnu, le risque pour vous d’être débarqué est nul. Le seul risque, à vrai dire, serait celui de finir par vous ennuyer. Mais la sécurité a un prix qu’il faut bien accepter.
Seulement, au dehors, ces dernières années, il s’est aussi passé des choses que, le nez dans le guidon, vous avez mis un certain temps à apercevoir. L’avènement des réseaux sociaux ne vous a pas échappé, vous avez même fini par créer votre page Facebook et vous vous y êtes retrouvé avec, surtout, vos plus proches collègues et les photos de vacances des uns et des autres. Plutôt sympa, FB, mais, il faut bien le dire, chronophage.
Jusque là, vous étiez évidemment au courant des quelques énervés qui de temps en temps brandissaient ici et là des pancartes aux slogans débiles contre votre compagnie. Des gaucho-marxistes, des fanatiques ou des jaloux, attisés par les Russes et encouragés par des pays de couards comme la France qui, au lieu de stimuler l’esprit d’entreprise, privilégie un système social dispendieux. Au cas improbable où vous seriez abordés par certains de ces individus, on vous avait fourni des « éléments de langage ». Vous n’aviez jamais douté du grand oeuvre auquel contribuait votre employeur: nourrir la planète, la soigner, enrichir l’humanité, etc., mais ce pouvait toujours être utile d’être guidé en cas d’interpellation.
Cependant, vous avez commencé à noter combien la récurrence de ces critiques augmentait et qu’elles n’étaient pas du seul fait de marginaux qu’on ferait mieux d’envoyer en camps de travail. Vous avez même lu des horreurs invraisemblables, mais publiées sur des sites ou dans des revues de plus en plus sérieuses. Par exemple, pendant la guerre, des historiens, des vrais, affirment que votre compagnie aurait acheté des lots de femmes pour faire des expériences. Il est vrai que la guerre est un moment particulier qui peut favoriser des dérives condamnables ou des expériences indispensables. Ou alors, ces produits, qui ont permis de remplir l’assiette de Terriens de plus en plus nombreux et affamés, sont accusés de détruire les sols et la biodiversité. Un peu énorme comme assertion! Même si, en y regardant de plus près, on trouve parmi ses auteurs des gens apparemment fort diplômés. Puis, il y a aussi les spéculations auxquelles se livrent, pour le plus grand bonheur des futurs retraités, donc le vôtre, les fonds de pension. Elles auraient démantelé des industries, ruiné des gens. Si c’était vrai - enfin: si c’était plus qu’un accident - le gouvernement n’aurait pas manqué de légiférer. Autre chose: des substances censées guérir de maux redoutables ou les prévenir détruiraient la santé de ceux qui les absorbent jusqu’à les tuer. Il y a toujours eu des gens opposés au progrès. Si on fait la somme de tout, l’humanité dans son ensemble est largement bénéficiaire. L’histoire est pleine d’exemples. Enfin, last but not least, le lobbying de tous ces bienfaiteurs de l’humanité, dont celui que vous servez avec foi et honnêteté - et je n’ironise pas du tout - aurait permis de subvertir la plus grande part de la classe politicienne partout dans le monde. - Il vaut quand même mieux cela que laisser des démagogues incompétents faire n’importe quoi, non ?
Mais, là, le vide dans lequel vous plonge le confinement, la disparition des murs de votre bureau ou de votre usine, le temps que ne remplissent et ne rythment plus les rites de l’entreprise, l’évaporation des collègues avec qui l’on partage le même récit dix heures par jour, jour après jour, tout cela fait que votre esprit se relâche et que resurgissent des interrogations sur lesquelles vous vous étiez assis.
La part faite de l’exagération des révolutionnaires au couteau entre les dents, seulement acharnés à perpétrer des destructions stupides, que pouvez-vous penser - de vous à vous - de la compagnie qui vous nourrit, vous protège et vous a permis de mettre de l’aventure dans votre vie ?
Devant certaines évidences douloureuses, adopterez-vous le principe de certains employés des chemins de fer pendant la deuxième guerre mondiale ? Ceux qui, à la Libération, déclaraient: « Moi, je ne faisais que conduire la locomotive », alors que les wagons accrochés à celle-ci étaient remplis de déportés ?
Etre fier de la compagnie qui vous emploie fait partie des besoins humains normaux. Choisirez-vous le déni ? Ou bien, renoncerez-vous à cette fierté, et, à partir de là, jouerez-vous la comédie devant tout le monde - devant vos enfants ?
Alors que le monde au dehors vous est interdit par le coronavirus et le gouvernement, vous regardez ou imaginez par delà cette fichue fenêtre, au delà du kilomètre règlementaire, la liberté qu’on vous rendra peut-être bientôt. Le désir de cette liberté contamine votre esprit tout entier au point de déborder le besoin de tout simplement marcher dans la rue ou la campagne.
Et si…
◊
Ne vous méprenez pas. Ce texte est une allégorie. Nous sommes tous les conducteurs de la locomotive.
Mais si…
22:24 | Lien permanent | Commentaires (0)
26/03/2020
Un outil révolutionnaire
Je n’aurais sans doute jamais entendu parler de Manfred Max-Neef sans mon ami Laurent Marbacher (1) qui l’avait étudié lors de ses pérégrinations de jeunesse en Amérique latine. Je profite de ce billet pour l’en remercier à nouveau. J’ai eu la chance de rencontrer aussi une des rares spécialistes du sujet que je m'apprête à aborder : Vérène Nicolas, que j’ai eu l’avantage d’interviewer il y a quelques années pour ma revue Commencements (2).
Manfred Max-Neef (1932-2019) est un économiste chilien à l’origine d’un système des besoins humains fondamentaux. Ce système, loin d’être seulement analytique et explicatif, constitue un outil puissant pour inspirer et imaginer de nouveaux modes de vie, de nouvelles formes économiques et sociales. C’est pourquoi, en cette période de confinement qui devrait favoriser notre remise en question des croyances qui ont façonné notre monde, je crois utile et souhaitable de partager cet outil encore insuffisamment connu selon moi. Je précise qu’il ne s’agit pas pour moi de promouvoir une curiosité intellectuelle ou un objet de thèse: il s’agit, de manière très terre-à-terre d’apporter une ressource à ceux qui ont envie de se retrousser les manches. Lorsque nous serons libérés de notre carcan, je serai d’ailleurs à la disposition de ceux qui voudront organiser des ateliers pour progresser dans la prise en main de cet outil. Je crois que c’est une des meilleures choses que je puisse faire des années que Dieu voudra bien encore m'accorder.
◊
Selon Max-Neef, les êtres humains, quelles que soient leur race ou leur culture, ont en commun neuf besoins fondamentaux : biologiques, d'aimer et d'être aimés, d’être protégés, de comprendre, de participer, de loisir, d’activité créatrice, d’identité et de liberté. A la fin de sa vie, il a ajouté à sa liste le besoin de sens ou de spiritualité.
Ce qui change, d’une classe sociale à une autre, d’une société à une autre, c’est la manière dominante de satisfaire ces besoins. Les individus, les familles, les groupes, mais aussi les innovateurs, les « alternants culturels »(3) peuvent apporter des variations plus ou moins audacieuses au thème dominant de leur milieu.
L’apport déterminant de Manfred Max-Neef, selon moi, outre le caractère humaniste de son recensement des besoins, est de montrer que ceux-ci fonctionnent en interaction et de proposer trois concepts:
- les modalités de satisfaction, au nombre de quatre ;
- les formes de réponse possibles, au nombre de cinq ;
- les transactions qui s’opèrent dans la hiérarchisation des besoins à satisfaire.
Les 4 modalités de satisfaction
Il s’agit du faire, de l’avoir (ou de l’acquérir), de l’être et de l’interagir. Elles ne sont pas exclusives les unes des autres.
Prenons par exemple, parmi les besoins biologiques, le besoin de se nourrir. Nous pouvons le satisfaire:
- en cultivant notre jardin (faire),
- en achetant nos aliments (avoir),
- en mettant en commun la nourriture (interagir),
- en cultivant une sobriété heureuse (être).
Les 5 natures de réponse
Les réponses, selon Max-Neef, peuvent être destructives, inadaptées, inhibitrices, univoques ou synergiques:
- destructive, quand la réponse choisie détruit les moyens de répondre à un autre besoin;
- inadaptée, quand nous apaisons le symptôme sans traiter la cause ;
- inhibitrice, quand la satisfaction d’un besoin empêche la satisfaction d’un autre;
- univoque, quand elle satisfait un seul besoin ;
- synergique, quand elle permet d’en satisfaire plusieurs à la fois.
Par exemple, jardiner peut constituer une réponse synergique aux besoins biologiques (nourriture, santé), d’activité créatrice, de loisir, de protection, de liberté.
Les transactions
Tous les besoins sont en interaction les uns avec les autres. Des « transactions » peuvent se faire entre eux, quand par exemple une personne renonce plus ou moins à sa liberté en échange de protection.
Une civilisation se caractérise par la manière dominante dont les civilisés satisfont leurs besoins. La nôtre a misé principalement sur l’avoir. La mondialisation en est l’ultime manifestation avec une dissociation quasiment totale des lieux de production et des lieux d’usage ou de consommation. En cas de changement sensible dans son environnement, ce qui semble être notre cas, sauf déni entêté, une population sera conduite de gré ou de force à revoir ses fondamentaux. La voie de l’adaptation passera par de nouveaux arbitrages entre les besoins dont on privilégiera la satisfaction et entre les modes de satisfaction – faire, avoir, être ou interagir - qu’on mettra en œuvre. Optimiser le processus d’adaptation suggèrera aussi de rechercher des réponses synergiques.
◊
La matrice de Manfred Max-Neef peut ainsi servir de fil conducteur à ceux qui, individuellement ou collectivement, veulent réfléchir à leur style de vie et le faire évoluer. Vous pouvez par exemple laisser courir votre imagination sur un scénario où l’être, le faire ou l’interagir réduisent l’importance que nous donnons aujourd’hui à l’avoir.
Sortirions-nous de ce confinement avec une vision claire et une volonté solide au service d’une meilleure façon de vivre avec notre planète que nous n’aurions pas perdu notre temps. C’est la grâce que je nous souhaite.
(1) Qui vient de publier avec Isaac Getz L'entreprise altruiste, Albin Michel, octobre 2019.
(2) J’enverrai gratuitement la version numérique de son interview à qui m’en fera la demande.
(3) Cf. https://jmsauret-managerconseil.blogspot.com/2020/03/le-l...
17:16 | Lien permanent | Commentaires (2)
25/03/2020
Du confinement comme initiation
Sur le site des Errances Narratives (1), un article d’Elizabeth Feld, un peu technique mais que j’ai trouvé électrisant, propose de voir le confinement que nous vivons comme un passage, un rite initiatique. Pour ceux qui peut-être les découvrent ici, je dirai - en simplifiant certes beaucoup - que, selon les Approches narratives, « plus que ce qui nous arrive, ce qui compte est ce que nous nous racontons à propos de ce qui nous arrive ». En l’occurrence, nous inviter à voir un passage ou un rite initiatique dans le confinement que nous imposent les Pouvoirs Publics ne peut que rendre féconde une période qui, pour le moment, est dominée par un récit de peur, de perte et de frustration. Pour beaucoup de gens, me semble-t-il, la seule attente est celle d’un retour au statu quo ante. D’une part, il y a selon moi beaucoup d’illusion dans cette attente; d’autre part, je pense que l’on peut mieux faire que passer notre confinement à ne souhaiter rien d’autre que ce retour en arrière. C’est pourquoi transformer cette période inattendue que nous sommes obligés de vivre en un passage ou un rite initiatiques est la garantie de tirer de notre liberté étroitement cantonnée une miraculeuse valeur ajoutée. J’avertis ici tout de suite mes lecteurs que j’écris au fur et à mesure que je pense, voire que j’écris pour penser. Je tâtonne pour essayer de m’approprier le mieux possible une idée qu’à peine découverte j’ai adoptée, embrassée même, intuitivement. Je ne suis pas anthropologue ni même spécialiste des Approches narratives: je ne suis qu’un touche-à-tout autodidacte qui, en l’occurrence, tente d’enrichir sa vie d’une métamorphose qu’on lui propose comme un cadeau.
S’agissant des caractéristiques des rites initiatiques, ce qui me vient d’abord à l’esprit, c’est évidemment le retrait. Le retrait, la mise entre parenthèses, est un moment plus ou moins long selon les cultures et les circonstances, mais c’est toujours un moment de vie soustrait à l’habituel, au banal, à l’ordinaire. Il me revient soudain d’avoir déjà « fait retraite »: c’était l’année de mes douze ans. Fils de familles chrétiennes et catholiques, on nous isola deux jours dans un lieu pour nous inhabituel - le collège des filles, seul établissement de la ville tenu par des soeurs - en prévision de notre communion solennelle. Le retrait que demande le rite initiatique a donc pour objectif une préparation. Une préparation, pourrait-on dire, à ce qu’est une vie pleine, une vraie vie, dans une culture singulière qui lui en fournit la référence. Mais pourquoi se retirer, se retrancher ? Il me semble qu’une des dimensions du retrait est, comme le chabatt, le Jour du Seigneur ou les jours fériés de l’Antiquité, de signifier qu’il y a quelque chose de plus grand que nous, un ordre supérieur à notre petit monde affairé et à nos passions ordinaires. Il est d’ailleurs significatif que notre société matérialiste trouve encombrantes ces coutumes d’un autre temps comme le repos dominical: elles ralentissent la machine à produire et consommer qui est devenue la divinité de ce monde.
Alors, dans notre confinement actuel, quel est ce plus grand que nous, cet ordre supérieur, vers lesquels nous devrions nous tourner, auxquels nous devrions ouvrir notre esprit et notre coeur ?
◊
Dans les traditions dont mes lectures m’ont laissé le souvenir, le rite initiatique utilise la perturbation des repères spatio-temporels. C’est bien ce qu’induit notre confinement en nous privant d’une grande partie des points d’appuis que sont nos habitudes, nos perceptions coutumières, le rythme de nos jours ordinaires, et en nous mettant face à des places désertes, à des rues devenues aveugles de leurs commerces clos, à des rayons et des étals dégarnis, à des lieux de convivialité interdits. En nous faisant croiser, sur le chemin de la boulangerie, des gens qui rasent les murs, masqués, les yeux ailleurs à moins qu’ils portent en biais, les uns sur les autres, un regard de crainte qu’accompagne parfois un soupçon de détestation. C’est que, dans ce cauchemar sans drogue, par virus interposé, l’autre peut devenir mon assassin autant qu’à mon corps défendant je peux devenir le sien. Perdus au milieu d’un vide artificiel peuplé d’un ennemi invisible, nous faisons l’expérience du sentiment de vulnérabilité et de ses dérives.
Qu’avons à apprendre de nous, quand nous sommes ainsi sous la pression d’une situation extravagante ?
◊
Le rite initiatique, aussi, est un moment qui marque un avant et un après. C’est qu’il a pour substance un processus de transformation. C’est un chemin qui permet à celui qui accepte d’être néophyte d’accéder à un niveau d’être supérieur pourvu qu’il accepte et fasse l’effort de se transformer, ce qui veut dire qu’il renonce à ce « vieil homme » qu’il a traîné là. Entre l’avant et l’après, celui qui s’est engagé dans l’initiation effectue, selon les termes d'Elizabeth Feld dans l’article précité, une « migration d’identité ».
De quelle transformation de notre être intérieur, de quelle migration de notre identité notre confinement pourrait-il être l’opportunité ?
◊
Le rite initiatique implique l’épreuve, celle-ci pouvant revêtir des formes très diverses. Notre confinement, d’évidence, est une épreuve. Cela peut paraître paradoxal car il ne prive pas le plus grand nombre d’entre nous du confort matériel que notre civilisation place au dessus de tout. Nous aurions à faire en quelque sorte avec une «épreuve confortable». L’expression, d’évidence, est un un oxymore: la comprendre pourrait guider une quête.
Nous laisserons de côté le versant du confort. Nous ne sommes pas en panne de nourriture, de boisson, d’abri, d’Internet, de téléphone, de télévision ou même de papier-toilette. Ceux qui le sont l’étaient déjà avant le confinement et depuis longtemps. Sur le versant de l’épreuve, il y a matière à méditer. Il y a, osons le dire, l’expérience de la peur - de plusieurs peurs confusément mélangées - inédite pour la plupart d’entre nous. Puis, en opposition brutale à une époque qui prône l’accès de tout à tous à tout moment, il y a l’expérience d’une privation sévère de mobilité. Ici, par exemple, sur notre cote vendéenne, quelque solitaire que nous soyons, nous n’avons plus accès au littoral, aux quais, aux forêts, aux marais, à la mer. Mais, et peut-être surtout, le caractère le plus étrange de l’expérience du confinement est de ressentir sur soi une autorité qui, par sa surveillance, ses interdictions et les nouveaux rites qu’elle nous impose, nous enserre étroitement, pénétrant jusque dans notre sphère privée quand, par exemple, elle condamne les regroupements familiaux ou amicaux, la participation aux obsèques et aux cultes. On est très au delà du contrôle de vitesse sur les autoroutes.
N’en déplaise aux masochistes, l’épreuve en soi ne présente aucun intérêt si l’on n’y voit que la souffrance. La souffrance pour la souffrance n’a aucun sens, elle n’est pas une finalité. Si Jésus va jeûner dans le désert pendant quarante jours, Lui qui, plus tard, transformera l’eau en vin, multipliera les pains et les poissons et partagera le repas des pécheurs au nez et à la barbe des puritains, ce n’est pas pour la souffrance. En revanche, la nature de la privation nous dit quelque chose de la sublimation à accomplir ou de la compréhension à y gagner.
De quoi le confinement nous prive-t-il particulièrement ? Qu’est-ce que cela nous dit de la nature de la transformation personnelle et des changements de société que nous pourrions entreprendre dès notre « retour » ?
◊
Pour achever ce propos - mais non pour conclure sur son sujet - plus large est la question du « passage » collectif. Là, mon choix est de dire qu’il ne peut s’agir seulement de notre petit moi et des commodités qu’il veut retrouver. Il s’agit de nous, de la communauté des humains, de son histoire. L’ombre que projète sur nous l’invisible virus montre qu’à ce point de son parcours des questions essentielles sont posées à notre espèce.
Un passage est comme un gué. Nous y sommes. Pas encore au milieu.
D’où venons-nous tous ensemble et pourquoi ne devons-nous pas y revenir ? Où irons-nous tous ensemble une fois sur l’autre rive de notre confinement ?
(1) https://www.lafabriquenarrative.org/blog/blog/il-y-aura-u...
19:30 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : confinement, narrative, passage