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25/01/2021

La liberté, la joie et le reste

 

 

Sur la grand plage des Sables d'Olonne, l'exubérance des chiens enivrés par l’espace m'a toujours réjoui. Ils sont une invitation à l’enfant libre qui sommeille en nous, souvent assommé par le sérieux de l’âge adulte. Vendredi dernier, j'en ai vu un que j'ai trouvé particulièrement génial. De type colley écossais, il allait vers chaque congénère qui se présentait sur son chemin, faisait comme une invitation à jouer et hop! les deux compères, aboyant joyeusement, partaient à fond de train en faisant de grandes boucles qui, de temps en temps, passaient dans la mer où ils s’éclaboussaient sans ralentir. Puis, ses maîtres continuant d'avancer, l'infatigable colley les rejoignait et réitérait son invitation à un autre compère rencontré un peu plus loin. Il a fait cela cinq ou six fois jusqu’au terme des deux kilomètres de plage. Aucun chien n'a eu peur de le voir s’approcher et ne s'est dérobé à son invitation. Pour clôturer, il a traversé une mare au galop et fait s'envoler un nuage de mouettes. Je me suis dit: voilà le modèle du manager ou de l’enseignant. Il communique par sa posture et son énergie, il sait mettre les autres en mouvement, son élan entraîne sans effort et lui-même y trouve un plaisir essentiel. Une belle illustration du concept d’autotélisme développé par Mihaly Csikszentmihaliyi qui inspire mes parcours de développement. 

 

L’autotélisme me fait penser à un autre concept, celui de l’Enfant libre. Celui-là est du père de l’Analyse Transactionnelle, le psychiatre américain Eric Berne (1910-1970). L’Enfant libre est une de nos six instances intérieures que Berne appelle « états du moi », à côté du Parent Critique, du Parent Nourricier, de l’Enfant Adapté Soumis ou Rebelle et de l’Adulte. Ce sont des formes différentes de notre énergie personnelle que nous endossons de manière plus ou moins contrôlée en fonction de nos interactions avec ceux qui nous entourent. L’Enfant Libre est comme le chien sur la plage, il est joie et spontanéité. Il est aussi jaillissement et créativité. C’est l’énergie première sans laquelle nous ne serions pas. Quand je pense à un personnage qui incarnerait le mieux l’Enfant Libre, celui qui me vient aussitôt à l’esprit est Tom Sawyer, le jeune héros de Mark Twain. L’Enfant Libre, c’est évidemment celui qui fait l’école buissonnière. Dans un autre genre, on pourrait également citer François Bernardone, dit François d’Assise, ce troubadour que le commerce de draps de son père ennuie et qui préfère la liberté que la pauvreté procure, d’aller chanter Dieu et ses créatures sur des chemins improbables. Me vient aussi à l’esprit le visage de Gérard Philippe. 

 

L’excentricité est souvent l’une des manifestations extérieure de l’Enfant libre. Je suis en train de lire « Au royaume des glaces » d’Hampton Sides*, l’histoire vraie d’une expédition polaire dans le dernier quart du XIXème siècle. L’auteur y présente un personnage ayant réellement existé, James Gordon Benett, richissime propriétaire du Herald, qui va sponsoriser l’expédition de De Long. Doté d’une vitalité extraordinaire, Benett pratique de nombreux sports, toujours avec excès, et s’intéresse à tout. On le juge fantasque mais il est aussi génial. En 1870, convaincu qu’un journal doit aller au devant des histoires, il avait envoyé Henry Stanley au fin fond de l’Afrique à la recherche de Livingstone. Il a précédé Orson Welles dans le domaine du canular: s’il n’a pas imaginé comme lui une invasion d’extra-terrestres, en 1874 son journal a publié un faux reportage, plein de détails sanglants et macabres, sur une prétendue évasion des fauves du zoo de Central Park. Un jour, à Amsterdam, alors qu’il venait d’assister à un spectacle musical et désireux de courtiser la vedette féminine, il invita celle-ci à bord de son voilier avec toute la troupe. Puis, il fit discrètement lever l’ancre, promena tout ce monde sur l’Atlantique pendant plusieurs jours et se fit donner la pièce à bord. Au retour, il les indemnisa tous, le théâtre y compris qui avait perdu plusieurs représentations de son fait. 

 

Intérieurement, je pense que nous savons tous ce que nous ressentons quand nous accueillons notre Enfant Libre et aussi lorsque, par la même occasion, nous le sentons éventuellement faiblard, apeuré. Heureusement, nous avons aussi des relations qui, pour notre bonheur, savent mettre le leur aux commandes, et par résonance il vient alors stimuler le nôtre. Une de mes amies a ainsi le don subtil de tout enchanter d’un ton de voix, d’un sourire. Mais, vous l’aurez peut-être remarqué, l’Enfant Libre, sans même qu’il cause du tort, s’attire la désapprobation de certaines personnes. Il peut les inquiéter, comme dans le dessin dont j’ai choisi d’illustrer cette chronique. Elles peuvent aussi lui jalouser cette liberté qu’elles n’osent pas s’accorder. Sur la plage, la grande majorité des promeneurs qui croisait ce chien le trouvait sympathique et souriait. Il y avait aussi quelques indifférents, puis, tout de même, quelques visages fermés. C’est agaçant, n’est-ce pas, ces enfants, ces animaux - ces imbéciles - qui n’ont pas conscience de la gravité des choses ! J’avoue que leur agacement m’agace ! A leur sujet, de Gaulle parlait des « pisse-froid » et ma mère, moins militairement, des « éteignoirs ». 

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Il y a le faux Enfant Libre. Dans la typologie de Berne: l’Enfant Adapté Rebelle. Celui-là est constamment en conflit avec l’autorité mais il est, au vrai, dépendant et prisonnier de ce conflit. Il a besoin de cette figure à laquelle s’opposer. A l’intérieur de lui-même, ce n’est pas la joie pure de l’Enfant libre, mais la tension du chercheur de bagarre, et ce n’est pas la liberté qui règne mais le besoin d’un adversaire. L’Enfant Adapté Rebelle est la réponse mécanique à l’autorité normative, limitante, que Berne appelle le Parent Critique. L’Enfant libre vit, tout simplement. Il se réjouit du chien qui court sur la plage et ira peut-être courir avec lui, indifférent aux éteignoirs. Si, d’aventure, il transgresse, en faisant par exemple l’école buissonnière, ce n’est pas par provocation ou pour prouver quoi que ce soit. Défier une autorité quelconque ne l’intéresse pas. Notre Président de la République peut se plaindre de la prolifération des « procureurs », mais cette prolifération est un effet mécanique. Quand je regarde l’expression récurrente des visages de nos politiques depuis des mois, j’ai l’impression d’une galerie de Parents Critiques. Quand ce n’est pas l’Enfant Adapté Soumis, le Parent Critique suscite face à lui l’Enfant Adapté Rebelle. En revanche, tous nos « procureurs » feraient bien de se méfier: ce n’est pas parce qu’ils expriment leur colère qu’ils manifestent leur liberté. Le philosophe Alain disait: « A qui veut empêcher ma liberté, je la prouve témérairement ». Je vois, par exemple, qu’après n’avoir pu assister au départ du Vendée Globe, on râle maintenant d’être interdits d’accueillir les skippers qui reviennent de leur tour du monde. Râler est une attitude d’Enfant Adapté Rebelle. Pour Berne, l’Enfant Adapté Rebelle et l’Enfant Adapté Soumis ne sont que les deux faces d’une même pièce. 

 

 

La culture, l’éducation et les règlementations ont tellement brimé l’Enfant Libre et il en est résulté tant de frustrations qu’il s’en faut de peu qu’on le considère comme l’état idéal. Cependant, ce n’est pas si simple. D’abord, se sentir frustré ne prouve pas la légitimité du désir bridé. Mais, sans malice aucune, sans intention de nuire, l’énergie de l’Enfant Libre est par nature égoïste et anarchique. Le chien fou peut se retrouver dans un jeu de quilles. Ce que j’ai évoqué plus haut de James Benett en donne un bon exemple. Sa fortune lui permettait de compenser les préjudices que sa conduite pouvait entraîner, mais, pour un Enfant Libre aux moyens ordinaires, c’est plus compliqué. La société s’emploie à se protéger de cette énergie par l’intériorisation de la discipline. Malheureusement, de la discipliner à l’inhiber, il n’y a pas une grande distance, d’autant que moins on supporte l’insécurité plus on veut contrôler. Si je ne suis pas partisan de la devise facile « Il est interdit d’interdire », il me semble néanmoins que notre matrice sociale, renforcée par la gestion de la crise sanitaire, engendre beaucoup d’Enfants Adaptés, qu’ils soient rebelles ou soumis. Or l’Enfant Libre est indispensable à la fois à la joie de vivre et à la créativité d’une société. Il y a un équilibre à ajuster. En attendant, retrouver chacun d’entre nous notre Enfant Libre, vivre avec lui en bonne intelligence, peut être de l’ordre d’une hygiène ou d’une reconquête. 

 

* Editions Paulsen, 2018. Hampton Sides est aussi l’auteur de The lost city of Z, dont James Gray a tiré un film. 

13/01/2021

Les gardiens de la raison (3) Le récit

 

 

Je reprends le fil de cette chronique en trois parties que j’ai commencée ici: http://indisciplineintellectuelle.blogspirit.com/archive/... et poursuivie là: http://indisciplineintellectuelle.blogspirit.com/archive/... . En aparté, certains lecteurs m’ont dit qu’ils m‘avaient trouvé trop tendre avec les gens corrompus. Certes, si je ne suis pas allé jusqu’à cette extrémité où la corruption s’accompagne d’un véritable cynisme, je suis obligé de reconnaître que ces situations existent. Par exemple ce professeur de médecine de Nantes qui vient de reconnaître qu’il est l’auteur des menaces de mort adressées au patron de l’IHU de Marseille. A moins, bien sûr, que ce soit juste une coïncidence qu’il ait largement bénéficié des largesses de BigPharma au cours de ces dernières années. J’aurais pu évoquer d’autres cas, mais compte tenu d’une part du grand nombre de personnes impliquées dans les stratégies de désinformation et, d’autre part, persuadé, comme je l’ai écrit, que leur très grande majorité ne souhaite rien tant qu’être honnête, j’ai préféré montrer comment cette honnêteté peut être circonvenue et progressivement emberlificotée. Pour terminer ce survol, après avoir évoqué le réseau d’influence déployé par les industriels, puis le processus de corruption mis en oeuvre, j’en viens aux récits manipulatoires dont nos esprits sont abreuvés depuis des décennies.  

 

Ramenés à leur essence, les récits que développent les industriels pour se donner le beau rôle et s’adjuger le monopole de la vérité sont ceux d’un combat aussi simpliste que manichéen: celui de la rationalité contre l’irrationnel, de l’intellect contre l’émotivité, de la raison contre l’obscurantisme et, rejoignant certaines idéologies qui en ont fait leur fonds de commerce, celui de l’artefact contre le naturel. Reliant tout cela, on a un fil usé mais toujours efficace: celui du combat de l’avenir contre le passé (1). Cette trame de base permet de disqualifier les contestataires sans avoir à trop s’avancer sur le terrain des réalités.

 

Parmi les déclinaisons du récit, on peut parfois déceler une variante sexiste qui oppose le masculin solide et raisonnable au féminin sentimental et fragile. Lorsque, en 1962, la biologiste Rachel Carson publie « Le printemps silencieux » où elle constate la diminution impressionnante des populations d’oiseaux et met en accusation les pesticides, ce ne sont pas des arguments rigoureux qui vont lui être opposés mais une relativisation de son propos, qui la présente comme une amoureuse de la nature, trop sentimentale, trop sensible. Cette fragilité psychologique permet de jeter le doute sur la crédibilité scientifique de son travail. Dans la foulée, on s’en prendra à sa réputation personnelle, en en faisant une sorte de bisounours hystérique, puis en la qualifiant de fanatique. Au bout du bout, ce sera à la fois une probable communiste qui veut ruiner l’économie américaine et une réactionnaire dangereuse qui, pour protéger des volatiles en surnombre, rêve de ramener la société moderne aux âges des grandes épidémies, des maladies incurables et des famines meurtrières. 

 

George Orwell a écrit: « Qui contrôle le passé, contrôle le futur ». On ne sera donc pas étonné que l’on trouve dans les récits diffusés par les industriels une réécriture partiale des évènements. On aura une hagiographie officielle de leurs héros et, aux concurrents ou adversaires, on réservera, en attendant l’oubli, le persiflage ou la diabolisation. Par exemple, tout le monde connaît le nom de Louis Pasteur. Mais qui se souvient d’Antoine Béchamp ? D’une certaine manière, la gestion de l’actuelle « crise sanitaire » reflète ce biais de l’histoire de la santé. Vous aurez remarqué qu’a été absente de toute la communication officielle autour du covid la notion de prévention. Or, prévenir, c’est renforcer ce que Béchamp appelait le « terrain » et que nous nommons le « système immunitaire ». De nombreuses études ont montré que les malades les plus atteints par le covid étaient ceux qui présentaient un déficit en zinc et en vitamine D3. Mais Pasteur, dont je ne contesterai pas ici les mérites, a ouvert la voie à une industrialisation de la médecine devenue aujourd’hui prépondérante, celle qui se fonde non sur la prévention par le terrain mais sur la guerre à l’agresseur extérieur.  

 

La pièce qui se joue sous nos yeux à tout propos illustre les trois postures du triangle dramatique de Karpman. Le héros industriel se présente d’abord comme un sauveur. S’agissant de Rachel Carson, il n’a pas hésité à se faire persécuteur. In fine, il adoptera la posture de la victime. Les auteurs du livre « Les gardiens de la raison » donnent comme exemple l’histoire de l’insecticide DDT. Le DDT était bel et bien visé par Rachel Carson et s’il a été interdit, disent les industriels dans leur avatar victimaire, c’est à cause de cette hystérique et de la jacquerie qu’elle a entraînée. Avec un résultat désastreux: les moustiques ont de nouveau proliféré et, avec eux, la malaria est revenue dont ils avaient délivré l’humanité. Telle quelle, l’histoire a le mérite d’être simple: un produit nous débarrassait des moustiques et, de ce fait, de la maladie redoutable qu’ils transmettaient. En raison d’une bouffée de délire propagée par une pseudo-scientifique que les politiques ont eu la naïveté ou la démagogie de suivre, l’usage de ce produit a été interdit. On n’a pas écouté ce que, la main sur le coeur, disaient les champions de l’industrie. Ce que l’on pouvait prévoir s’est produit. L’histoire est si claire quelle peut facilement emporter l’adhésion. Au surplus, nous allons le voir, cette narration du passé va bientôt introduire une narration de l’avenir.

 

Comme le disait le philosophe Jules Lagneau, « il faut penser difficilement les choses simples ». S’il convient de se méfier des histoires, c’est bien d’abord de celles qui justement sont un peu trop simples. La vérité sur le DDT est qu’il n’a pas été interdit pour ce qui est de la lutte contre les moustiques et la malaria, mais que la résistance biologique qu’il avait générée chez les insectes en avait considérablement diminué l’efficacité. Quant à son interdiction dans le domaine purement agricole, elle n’a pas résulté d’une agitation conduite par une irresponsable nommée Rachel Carson mais d’une demande de tout ce que les Etats-unis d’Amérique comptaient alors de scientifiques. 

 

Cette histoire n’est pas sans faire penser au débat actuel autour des glyphosates dont un jour on annonce l’interdiction et auxquels, un autre jour, on accorde un sursis. L’écriture du passé - « nous devons à la chimie industrielle l’abondance et la qualité actuelles de notre production agricole » - se complète là de la narration du futur que j’ai annoncée plus haut. Celle-ci prophétisera que les huit milliards d’être humains que nous sommes seront incapables de produire la quantité de nourriture dont ils ont besoin en dehors du modèle agricole que l’industrie a engendré. Abandonner ce modèle provoquera des famines mondiales (2). Quel politique, dès lors, prendra-t-il le risque de sortir des sentiers battus quand étudier l’information sur les autres modèles, largement étouffée, lui demanderait un trop grand investissement, et quand les gens qui peuvent l’approcher et le conseiller, qui tiennent le haut du pavé, sont exclusivement issus du milieu de la l’agro-chimie ? Au final, tant qu’à se tromper, ne vaudra-t-il pas mieux se tromper dans le respect des règles admises que dans leur transgression ?

 

La réécriture du passé en vue de contrôler l’avenir embrasse cependant beaucoup plus large que l’histoire d’un secteur économique. Elle atteint au niveau civilisationnel. Ce qui lui confère sa puissance est qu’elle entre en résonance avec ce que Jean-Claude Michéa, dans un livre éponyme, a appelé le « complexe d’Orphée ». « On ne conduit pas un véhicule en regardant dans le rétroviseur » disait déjà une maxime managériales des années 90, recourant à ces métaphores faciles qui interrompent toute réflexion. Le complexe d’Orphée, hérité de la Révolution de 1789, désigne l’interdiction de regarder en arrière. Qu’il s’agisse de techniques, de moeurs ou d’idéaux, ce qui est derrière nous n’est qu’obscurité et obscurantisme. Tout ce qui peut tourner le passé en dérision et l’effacer des mémoires est donc louable. On a là comme un écho de la décapitation de Louis XVI, de l’imposition du système métrique et du calendrier républicain. Le progrès est une marche - forcée, car les peuples ont besoin d’être conduits par une élite aussi éclairée qu’autoritaire - vers un avenir dont le critère principal est toujours davantage de technologies, d’artefacts - et ce, maintenant, jusqu’au sein même de notre corps. On comprend qu’il puisse y avoir une complicité au moins objective des milieux industriels et technologiques avec le transhumanisme. 

 

De la rationalité au rationalisme et aux rationalistes, il y a en effet tout un déploiement idéologique. L’on peut déceler une continuité depuis le « maître et possesseur de la nature » de Descartes et le mécanicisme de ses héritiers, continuité qui, passant par le parti pris de la supériorité des artefacts créés par le génie humain sur la complexité des phénomènes naturels, conduit à la technique comme repère et levier du progrès et jusqu’à l’élevage industriel comme modèle de gestion de la société. Tout cela étant rendu impitoyablement possible par la froideur surhumaine de l’intellect dominant la trop humaine sensibilité. Un indice de cette évolution est donné par la manière dont sont traités les pensionnaires des EHPAD dans le contexte de l’épidémie de covid. Non seulement on en a fait des citoyens de seconde zone en leur interdisant l’accès aux soins et aux hôpitaux, mais en outre on ne leur demande pas ce qu’ils préfèrent entre le risque d’être contaminés ou le sacrifice de leurs affections familiales et amicales. On leur impose le choix d’une bureaucratie « scientifique ». 

 

Il n’est pas de récits sans bardes ou prophètes qui les transmettent. Pour conclure, jetons un rapide coup d’oeil de leur côté. Pour simplifier, ils sont de trois ordres. Evidemment suspects de partialité, il y a ceux qui parlent directement au nom de l’industrie concernée. Quand le PDG d’une multinationale prend publiquement la parole, il se peut qu’il mente ou dise la vérité, mais on se doute qu’il n’exprimera rien qui puisse nuire à la compagnie qu’il dirige. Si ce n’est par loyauté, ce sera au moins pour protéger sa carrière et la valeur des actions dont on le rémunère. C’est pourquoi les représentants des compagnies laissent le plus souvent le récit à diffuser à deux catégories de porte-voix, naturellement sans liens visibles de subordination ou d’intérêt. Ce que révèle d’abord le livre « Les gardiens de la raison » est la multitude d’officines, en apparence scientifiques et indépendantes, telles ces « associations savantes » discrètement parrainées, qui semblent apporter un gage d’impartialité et de consensus sur des points sensibles alors qu’elles ne sont que des courroies de transmission du système. Activées au bon moment, elles vont assaillir le public d’une unanimité de fabrique et entraîner son consentement à la thèse que le système veut officialiser. Mais le plus intéressant, en termes de finesse stratégique, est la dernière catégorie. Celle-ci se compose des agences d’information qui fournissent aux journalistes non spécialisés de quoi assurer leur bla-bla quand, la veille pour le lendemain, leur rédaction leur demande d’aborder un sujet qui chauffe. Bien évidemment, ces agences ont elles aussi les atours de l’impartialité et de l’autorité dans leur domaine, elles n’ont qu’un rôle « technique », mais les informations et les éléments de langage qu’elles fournissent orientent évidemment les articles qu’elles nourriront. 

 

C’est ainsi que l’on ne peut plus s’étonner, sur un sujet qui émerge dans l’actualité, de trouver à peu près partout la même tonalité, les mêmes analyses et les mêmes conclusions. Ajoutez à cela que les grands médias français sont la propriété d’une poignée de milliardaires et vous avez de quoi comprendre pourquoi le conformisme des opinions est plus contagieux qu’un virus évadé d’un laboratoire. 

 

(1) Il est d’autant plus important de disqualifier le passé que les solutions qu’il propose ne coûtent rien et ne peuvent être marchandisées avec les perspective de gains astronomiques qu’impose la Bourse.

 

(2) Il est plausible que changer de modèle du jour au lendemain engendrerait une transition catastrophique. Mais ce qu’il est important de retenir est que, au contraire de ce qu’affirment les tenants de la chimie, d’autres modèles efficaces de production existent qui auraient en outre le mérite de ménager et reconstituer la vie des sols. 

01/01/2021

2021: Cap au Large!

 

 

 

voeux, crise, covid, virus, formation, développement, autonomie alimentaireUn ami qui se reconnaîtra me disait récemment: « Plutôt que se souhaiter une bonne année, on aurait envie de se souhaiter bonne chance! » En d’autres mots : « comment formuler des voeux de « bonne année » quand la crise sanitaire semble aller de rebond en rebond et que l’économie du pays, de même que le moral de beaucoup de professionnels, menace ruine ? » Nos bonnes intentions ne sont-elles pas bien pâles dans ce climat anxiogène ? Que peuvent-elles peser si l’espoir est déjà fragile que 2021 soit autre chose que la poursuite désastreuse de 2020 ?

 

Si nous ressentons une gêne à nous souhaiter une bonne année, que pouvons-nous faire, alors que nous vivons une période que les manuels scolaires du futur n’oublieront pas ? Je vous livre une suggestion : nous demander quels engagements nous pouvons prendre, tant à l’égard de nous-même que des autres, pour que l’année qui commence soit au moins meilleure que ce qu’en ferait la seule force des choses. 

 

Je propose deux registres, chacun me paraissant indispensable: 

 

- Que puis-je faire pour moi ? 

 

- Que puis-je faire, plus largement, dans l’intérêt commun ?

 

En ce qui me concerne, deux réponses me sont venues spontanément.

 

D’abord - vous sourirez peut-être - poursuivre mon expérience de jardinage et développer les modestes compétences que j’acquiers dans ce domaine depuis 2019. J’ai trois raisons de le faire qui ne me paraissent pas anecdotiques. En mode permaculture, le contact - le travail - avec le vivant est un merveilleux antidote à la toxicité de l’atmosphère. Mais c’est aussi une activité qui me relie à l’intérêt commun. Elle constitue, de fait, un petit élément d’autonomie alimentaire locale, l’une des mailles des sociétés résiliantes de l’avenir. Elle y contribue aussi par l’exemple que peut donner un intellectuel qui s’y est mis sur le tard et qui, avec des résultats encourageants, peut décomplexer quelques-uns de ses semblables.

 

La réponse que je donne à ma seconde question est directement reliée au registre professionnel que j’ai cultivé depuis plusieurs décennies: celui du développement humain. C’est la prise en compte de ce que beaucoup d’entre nous vivent du fait de la crise sanitaire et de son administration. 

 

2020 a été marquée par une confrontation avec l’inimaginable - celui d’une épidémie et des mesures subséquentes prises par les Pouvoirs Publics. Nos entreprises, nos vies personnelles et professionnelles, nos représentations de la réussite et du bonheur en ont été rudement ébranlées. 

 

Dans les entreprises, l’angoisse et les mesures de survie qu’ont été obligées de prendre certaines d’entre elles ont répandu une atmosphère pesante, peu propice à la résilience et à l’évolution créatrice que les circonstances exigent. 

 

Du côté des personnes, nombreuses sont celles que le découragement est en train d’user, nombreuses aussi celles qui accordent une attention de plus en plus soutenue à un désir de changer de vie qui jusque là restait discret.

 

Si caresser de loin un changement ou une évolution est facile, les décider puis les mettre en oeuvre généralement l’est moins. Or l’on peut dire que les situations de panne aujourd’hui se multiplient. L’image qui m’est venue est celle des « Marins perdus » de Jean-Claude Izzo. Alors que leur vocation est de naviguer, ils sont confinés sur leur bateau maintenu à quai par une sombre affaire. 

 

C’est ainsi qu’avec mes amis et associés, au terme d’une réflexion qui a occupé plusieurs mois de 2019, nous avons décidé de lancer un nouveau parcours de développement « Cap au Large ». « Cap au large » pour regarder au loin, hisser les voiles et retrouver avec l’air vivifiant de la haute mer le goût de l’aventure.

 

Je définirais « Cap au Large » comme un parcours de ressourcement, de mûrissement et d’évolution créatrice. Il s’agit de transformer tout ce que nous avons vécu ces derniers mois pour nous redonner le ressort de l’accomplissement dans un environnement durablement transformé.

 

Pour 2021, en pensant au philosophe Alain qui disait que le sculpteur fait avec la résistance du marbre, je vous souhaite de réaliser une belle oeuvre. 

 

 

PS: Si vous avez envie de partager en commentaire vos réponses à mes deux questions, sachez qu’elles seront les bienvenues et cela d’autant plus qu’elles pourront en inspirer d’autres:

- Que puis-je faire pour moi ? 

- Que puis-je faire, plus largement, dans l’intérêt commun ?