01/10/2011
Un survol de Commencements 2
Pourquoi le mode de vie de l’Occident ne convient-il plus à certains d’entre nous, de plus en plus nombreux ? Parce qu’il ne nous vante que la consommation ? Parce qu’il nous force à un rôle de composition, celui de la compétition permanente de chacun contre tous ? Parce que nous ne pouvons plus ignorer les dégâts profonds, écologiques, sociaux et humains qui en résultent ? Parce que, derrière les apparences de la facilité et de la richesse, nous sentons notre liberté menacée et, avec elle, la possibilité de notre véritable réalisation ?
Martin Paradis, le héros du dernier roman de notre ami Steve Moreau, se réveille d’un sommeil qui a duré trois jours - allusion à la Résurrection ? Dès lors, il ira de prises de conscience en désillusions. Ce qui l’amènera à devenir un homme lucide*. Lucide, mais non pas désespéré. Tout au contraire : « La lucidité est la blessure la plus proche du soleil»**. Martin, c’est chacun d’entre nous. Les constats qu’il fait, nous les avons faits ou nous les ferons. Un jour, ils deviennent insupportables et il est impossible de continuer à vivre comme si de rien n’était. Alors, on rejette la « comédie du bonheur » qu’évoque Andreu Solé. On décide de résister et, par exemple, de remettre de la lenteur dans sa vie, comme nous y invitent Sylvie Pouilly et CL Claridge. Voire, on devient un de ces free lifers qu’inventorie pour nous René Duringer.
En 2004, Deborah Frieze conduit sa première « expédition apprenante ». Entendez par là qu’elle emmène un groupe découvrir, au Zimbabwe et en Afrique du Sud, des communautés « qui osent vivre le futur dès maintenant ». Dans les six mois qui suivent le retour, sans faire de tapage, quatre des participants quitteront leur emploi. Ils ont décidé d’oser une réussite différente et de faire société autrement. Notre impuissance ne serait-elle qu’une illusion ? Pour Laure Waridel, fondatrice d’Equiterre au Canada, le simple choix de ce que nous mettons dans notre assiette révèle notre pouvoir. En écho, Antonin Léonard nous montre qu’avec la « consommation collaborative » nous pouvons tirer un meilleur parti des richesses déjà créées, préserver l’écosystème et remettre du lien dans nos vies. Marc Tirel, de son côté, redécouvre pour nous « l’école mutuelle », une très ancienne pédagogie indienne qui effraya notre XIXème siècle et qui nous parle finalement d’un avenir encore à oser. Et pour les entreprises ? Alors que la concurrence fait rage, est-ce une lubie dangereuse de s’engager dans la voie d’une économie soutenable ? Bien au contraire, nous dit Caroline Gervais, la représentante en France de l’ONG suédoise The Natural Step.
Qu’on vive sur une île et qu’on ait juré d’y être heureux - comme Jef, Rémi, Raymond, Mireille, Georges ou Gérard - ou qu’on ait fait l’expérience d’une « mise en abyme » à la recherche de soi - comme Isabelle, Jérôme, Marie-Josée, Cécile, Christine ou Armelle - reste finalement décisif ce qui se passe dans le creuset de notre âme. Disciple du psychologue et philosophe Paul Diel, le docteur Cyrille Cahen nous parle de ce qui constitue le désir essentiel de l’être humain. Le message de ce numéro 2 ? Cessons de forger nos propres fers. Comme l’écrivait François Mauriac : « Nous tissons notre destin, nous le tirons de nous comme l'araignée tisse sa toile".
http://co-evolutionproject.org/index.php/boutique/adhesion/
* Un homme lucide, Steve Moreau, L’Harmattan, 2011.
** René Char.
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30/09/2011
Commencements 2: "Libérer la vie"
Sommaire
La seule chose qui puisse devenir fatale à l’homme, c’est de croire à la fatalité. Martin Buber.
Andreu Solé
La comédie du bonheur
René Duringer
« Free lifers »
Deborah Frieze
L’avenir sans attendre
Yeu
Grains de sel sur une île
Laure Waridel
L’insoutenable illusion de notre impuissance
Antonin Léonard
Les technologies et la société du partage
Caroline Gervais
Entreprises : The Natural Step, un accélérateur de durabilité
Marc Tirel
La puissance inquiétante de l’école mutuelle
Sylvie Pouilly
Ralentir, c’est résister
CL Claridge
Australie : http://www.slowmovement.com/
« Demain, la vie »
A la recherche de soi : expérience d’une mise en abyme
Dr Cyrille Cahen
Revenir au désir essentiel
07:47 | Lien permanent | Commentaires (0)
29/09/2011
Appelé ou non, l’impossible sera au rendez-vous*
Pouvez-vous vous remettre dans votre système de convictions d’avant 2008 ? Si, dans un dîner en ville, l’on vous avait annoncé que des Etats parmi les plus riches du monde seraient ébranlés en raison de leurs dettes par les coups de boutoir du capitalisme planétaire et qu’il y aurait jusqu’à une remise en question de l’Euro, n’auriez-vous pas ri au nez du farfelu qui croyait ainsi se rendre intéressant ? Plus encore que d’en rire, je parie que vous en auriez été offusqué comme d’un blasphème. Mais aujourd’hui, peut-être me direz-vous que c’était prévisible et que cela n’a pas été pour vous une réelle surprise. Cela devait arriver. C’est seulement la vitesse du tsunami que l’on n’avait peut-être pas anticipée…
Ce que je viens d'évoquer, c’est le phénomène du « cygne noir » que décrit Nassim Nicholas Taleb dans le livre qui porte ce titre. Le cygne noir est un événement qu’on n’a pas anticipé, dont on aurait même nié la possibilité si quelqu’un avait eu l’audace de l’annoncer, et qui, une fois survenu, semble finalement logique à tout le monde. Cela ne pouvait pas ne pas arriver. En ce qui concerne la crise des subprimes, beaucoup de têtes pensantes ont prétendu après coup l’avoir vu se gonfler, mais ceux qui – comme Paul Jorion - l’on écrit de manière indubitable avant que l’évènement se produise, se comptent - pour la planète - sur les doigts d’une main.
L’histoire est pleine de cygnes noirs. Parallèlement, elle est pleine de Cassandre qui les avaient vu venir et que l’on conspue. Je pense, par exemple, à l'accueil qui fut réservé par l'intelligentsia économique aux premiers travaux du Club de Rome dans les années 70, ou au retour à la niche du malheureux qui voulut avertir le conseil d'administration de Kodak de la menace que le numérique faisait peser sur l'argentique. Pourquoi conspue-t-on Cassandre ? Seulement parce que ce qu’elle nous annonce est désagréable ? Certes, personne ne trouve plaisir à s’entendre promettre la ruine et la mort, et c’est compréhensible. Cependant, je crois que la raison de notre rejet est plus profonde. On craint moins de perdre ce que l’on a, richesse et confort, me semble-t-il, que de devoir renoncer à ses certitudes et, pour recourir à un concept qui pourra sembler un peu lourd mais qui dit bien ce qu'il veut dire, à la représentation que l'on se fait du monde. Nous pouvons comprendre là pourquoi la lucidité est toujours un effort.
Alors, quels sont les cygnes noirs que nous devrions guetter aujourd’hui et dont la seule évocation nous perturbe au point que nous préférons enfouir la tête dans le sable ? Si je vous dis par exemple: une crise énergétique qui va remettre en question toute notre façon de produire et de vivre, que ressentez-vous à me lire, qu’avez-vous envie de me répondre - voire de me rétorquer ? Sans doute, comme je l’entends souvent, qu’« on trouvera des solutions ! » Difficile, n’est-ce pas, d’imaginer que le monde de demain ne sera pas une image à peine retouchée de celui d’aujourd’hui ? Pourtant, regardons l'Histoire: les mondes se suivent et ne se ressemblent pas. Pourquoi le nôtre serait-il éternel ?
Mon génial ami Andreu Solé, que j’ai déjà cité ici et dont j’ai le bonheur de publier une interview dans le prochain numéro de Commencements, propose de nous voir, nous autres humains, comme des créateurs de monde incapables d’imaginer un autre monde que celui qu’ils ont créé et dans lequel ils se sont enfermés. Parce qu’un monde, dans ses fondements, c’est d’abord l’ensemble des choses que l’on juge possibles et impossibles. C’est pourquoi les cygnes noirs, qui sont parfois les indices d’un nouveau monde en émergence, nous passent sous le nez sans que nous les voyions : les possibles et les impossibles de notre monde – et c’est là leur puissance – interviennent à la source en filtrant ce que nous sommes capables de percevoir.
Si j’avais aujourd’hui un conseil à donner pour se préparer au futur proche, c’est de faire l'inventaire de nos dénis et de les regarder de plus près.
* Je paraphrase l’inscription que Carl-Gustav Jung avait apposée sur sa demeure : « Advocatus neque advocatus deus aderit ». Appelé ou non, le dieu sera présent.
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