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05/01/2008

Effets de levier

(1) Mattel

C’est une de ces innombrables pacotilles que la mondialisation répand à la surface du globe et dont des centaines de milliers d’exemplaires se vendent à Noël. Prix de vente unitaire d’un de ces articles en magasin : 39,99 $. Rémunération de l’ouvrière par objet fabriqué : 0,19 cent. Chiffre d’affaires de l’entreprise Mattel (2006): 5,6 milliards $. Bénéfice (2006): 592,9 millions $.

Quel effet de levier pour 0,19 centimes de main d’œuvre !

(2) Marie-Claude Hessler

« Que voulez-vous qu’on y fasse ! » Quand je ne connais pas la personne qui fait cette réponse, je me demande s’il s’agit d’un aveu d’impuissance ou d’une dérobade. Le jour où Marie-Claude Hessler* découvre les conditions de travail épouvantables des ouvrières qui, en Chine ou au Mexique, fabriquent les joujoux éphémères destinés à nos chers petits, il n’est pas question d’esquive ou de résignation ! Voilà une des choses qui distinguent les êtres humains : l’aptitude ou non à se sentir concerné par les injustices dont on n’est pas soi-même la victime. Pour Marie-Claude Hessler, la vraie question a été tout de suite : « Comment agir ? » Voilà encore qui fait la différence: entre ceux qui, ayant constaté que quelque chose ne va pas, finissent par trouver des accommodements avec leur conscience, et les autres qui, faisant le même constat, entrent dans l’action.

La capacité à décider et à se mettre en marche étant là, faut-il encore être efficace. Comment agir quand le rapport de force est disproportionné ? Quand, face à un géant, on est tout petit, inconnu - epsilonesque ? Et comment - les bons sentiments n’étant pas toujours stratèges - ne pas glisser dans l’anecdotique? Ici, il faut se méfier des cages dans lesquelles notre esprit peut s’enfermer. Il est très facile de retomber dans le sentiment d’impuissance qui excuse tous les renoncements. Marie-Claude Hessler, elle, achète 50 actions de la société concernée: elle a en effet repéré que la détention d’une poignée de titres procure un droit de parole règlementaire de trois minutes à l’assemblée générale annuelle. Oui, vous avez bien compris : la petite dame, avec son portefeuille de trois francs six sous, va se « pointer » à l’assemblée générale annuelle du géant, à Los Angeles, et y prendre la parole ! Prise de conscience, décision, capacité à imaginer une stratégie… Tout cela n’est rien, en effet, si on n’y ajoute cet ingrédient indispensable: le courage.

Il faut un autre ingrédient encore : la persévérance. Cela fait dix ans que Marie-Claude Hessler se fait entendre ainsi à la grand messe capitaliste. Selon les années, elle rassemble de 4 à 12% des voix. Son influence s’affirme. Les moyens pour elle de se faire entendre se multiplient. Elle se retrouve invitée à prendre la parole dans la presse écrite et parlée. Certains grands actionnaires commencent à s’émouvoir de ce qu’elle les oblige à entendre.

Quel effet de levier pour 50 actions !

* Article sous la signature de Mustapha Kessous dans Le Monde du 29 décembre 2007.

03/01/2008

Se réapproprier notre vie (1)

Cette année, promis, juré, craché, j’apprends le chinois, j’arrête de fumer, j'achète équitable, je m’inscris dans un club de fitness (et j’y vais)…

Ces résolutions de Nouvel An procèdent de registres différents - délibérations rationnelles, effets de mode, désir réel, mais, plus génériquement, volonté de mieux tirer parti de ce court espace qu’on appelle la vie. Mieux vivre sa vie, en effet, c’est peut-être, quand tout a été dit, réintroduire un peu plus de liberté dans un scénario que nous avons largement contribué à écrire mais qui a finalement pris le dessus sur son auteur.

Le quotidien, nous en avons une conscience de plus en plus aiguë, est abrasif. D’abord, parce qu’il est surabondant d’obligations – et, surtout, peut-être, d’addictions - et que, si nous voulons introduire quelque chose d’autre dans notre existence, il nous faut d’abord dégager une place où le mettre. Or, si jamais nous réussissons à distraire quelque chose de notre fatras – ce qui, déjà, n’est pas rien – et bien avant que l’invité ait eu le temps de s’installer, ce qu’il en reste se dilate immédiatement pour occuper l’espace que nous venons de libérer. Un peu comme une famille inhospitalière pour qui le nouveau venu est un intrus et qui, écartant les coudes, s’étale autour de la table afin qu’il ne sache où s’assoir.

Créer - si modeste soit-il - un espace de liberté dans une vie déjà écrite, c’est passer de la force des choses – qui n’est souvent que celle que nous leur donnons - à celle de l’initiative. Mais c’est aussi comme allumer une frêle flamme et la défendre contre les courants d’air. Pour l’allumer, il faut déjà trouver en nous notre désir essentiel. Celui qui nous met en relation avec la durée, le long terme. On parle beaucoup de développement durable dans le registre industriel. On pourrait aussi se poser la question de ce qu’est le développement durable s’agissant de notre être et de sa réalisation. Quant aux courants d’air qui peuvent éteindre notre flamme tremblotante, ils ne manquent pas. Ce sont toutes les choses qui s’insinuent dans notre emploi du temps, s’y installent et abusent de notre complaisance. Ce sont les pulsions que stimule le système de la consommation – les choses qu’il faut tout de suite aller voir, essayer, acheter, utiliser – et qui consument nos ressources les plus précieuses : notre temps, notre énergie, notre attention.

S’il y a une clé qui peut rouvrir la porte à notre liberté, c’est l’attention. Décider de ce à quoi nous apporterons notre attention, c’est déjà un acte de liberté. C’est se redonner la possibilité de cultiver quelque chose que nous aurons, en conscience, choisi. C’est pourquoi je vous recommande, entre autres, cet exercice conseillé par Isabel Fouchécour : la semaine sans média. C’est-à-dire sans télévision, sans radio, sans journaux, sans livres, sans cinéma, sans DVD, sans publicité. Vous en tirerez au moins deux choses : vous y gagnerez du temps et vous vous retrouverez avec vos propres pensées, protégé de l’intrusion du monde des autres. Impossible me dites-vous ? Cela vous fait peur ? Essayez.

29/12/2007

L'étoile de mer et l'araignée

 

 

 

Cette note figure désormais dans le recueil

Les ombres de la caverne

Editions Hermann, juillet 2011