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08/08/2022

La Grande Libération

Possible ?  Impossible ? Non-impossible ? *

 

- Raconte-moi ta Grande Libération !

 

- Mais il te l’a déjà racontée dix fois, tu ne peux pas le laisser tranquille ?

 

- Je veux davantage de détails ! C’est une histoire compliquée et chaque fois que je l’entends, je la comprends un peu mieux.

 

De sa place habituelle, au bout de la table, le vieil homme regarde son petit-fils et une lueur complice s’allume dans ses yeux. En s’appuyant à la table, un peu difficilement, il se lève et tend sa main tavelée au garçon qui accourt et la prend aussitôt.

 

- Viens, allons au jardin. 

 

Ensemble, ils sortent, traversent le jardin et vont s’installer sous une charmille, au bord d’une pente où des vignes dégringolent hardiment vers une rivière.

 

- Tu sais, il faut des garçons comme toi. Connaître la terre, le climat et les semences, c’est la sagesse de la vie. Connaître l’histoire des hommes, et surtout la comprendre, c’est la sagesse des siècles - peut-être des millénaires.

 

- Je veux tout savoir, tout retenir. Plus tard, je raconterai à mon tour la Grande Libération!

 

Le vieil homme regarde au loin, par delà la vallée dont le flanc se creuse à leurs pieds. On dirait qu’il scrute l’avenir qui, au delà de l’autre versant, attend les humains. Une inquiétude, à moins que ce soit une brève douleur, passe sur ses traits. 

 

- Quelqu’un a dit - je me souviens de la phrase mais pas de l’auteur, et je ne le retrouverai pas car tout cela est perdu désormais : « En chaque vieillard, il y a un enfant qui se demande ce qui s’est passé ». 

 

- Je suis cet enfant !

 

- Le matin, lorsque je me regarde dans la glace, je ne vois plus la moindre trace du visage qui était le mien quand j’avais ton âge.

 

- Moi, je le vois ! 

 

- Vraiment ?

 

- Oui ! Et quand je te regarde, je pense à l’image que tu as réussi à sauver. Cette image un peu abimée, toute en longueur, que tu gardes dans ta chambre.

 

- « Un dimanche dans le marais poitevin » ? De Raphaël Toussaint ?

 

- Oui, c’est cela ! 

 

- Mon Dieu ! Dans ce tableau, il y a le monde rêvé du vieil enfant que je suis. Ma terre promise... Pas la nostalgie d’un passé révolu et mythique, mais celle d’un futur à atteindre, à créer. C’est ce que ce tableau m’a toujours dit. 

 

- Et c’est ce que tu as fait! 

 

En réponse, il sourit, puis médite quelques secondes. Accoutumé à ces pauses, le jeune garçon attend patiemment.

 

- A l’époque, on parlait de peinture « naïve » avec un rien de mépris. Parce que ces temps-là...

 

Il semble hésiter à aller plus loin. 

 

- Ces temps-là ?

 

- Oh! Ces temps-là, j’en garde un souvenir amer. Ils engloutissaient impitoyablement tout ce que j’aimais, la beauté, la finesse, la tendresse, les valeurs de l’âme... Je sais aujourd’hui que juger les autres fait partie du problème, mais à l’époque il y en avait tant que je ne pouvais regarder sans être exaspéré! Pour ramener mon grief à l’essentiel : je trouvais la majorité des gens pusillanime. 

 

- Pusillanime ?

 

- Des âmes faibles, inconsistantes. Sans doute parce qu’une partie de plus en plus importante de leur vie se déroulait à travers le Métavers. 

 

- Parle-moi davantage du Métavers. J’ai du mal à me le représenter. 

 

- C’est normal ! Cela a commencé avec « la réalité augmentée », une couche d’informations qui se superposait à la réalité que tu aurais pu appréhender par toi-même. Le problème est que tu y perdais l’habitude et le savoir-faire du contact direct avec le réel et avec les gens. Par exemple, plutôt que demander son chemin à un passant, on se connectait à un lointain robot. Dans des situations de plus en plus nombreuses, on choisissait ce lointain robot à l’être humain tout proche. A force, on se déshabituait de rencontrer nos semblables et cette rencontre devenait même inconfortable. Alors, on n’échangeait quasiment plus qu’entre « pseudos » dans le monde numérique. Mais ce monde du Métavers, aussi riche fût-il, était le reflet de notre abandon: il remplissait l’absence de notre attention au vrai monde ! Et, là, était un autre danger: ceux qui le créaient pour nous, sans qu’ils fussent méchants d’ailleurs, derrière les commodités qu’ils nous offraient avaient leurs propres desseins. Se laisser déposséder est une des grandes erreurs des hommes. 

 

Le vieil homme retrouve un écho de sa fougue légendaire.

 

- Il y avait aussi dans cet espace virtuel tout l’univers des récits imaginaires où l’on pouvait s’introduire et se prendre pour un surhomme, soulager ses colères, se venger de ses humiliations - sans les traiter dans sa vie réelle. On y cultivait des rêves d’héroïsme mais, face au réel, on n’était plus qu’une fumée qu’un courant d’air dissipe. On se moquait de la naïveté, on jouait les cyniques, et pourtant on était crédule à un degré inimaginable. 

 

- Pourquoi était-on aussi crédule ?

 

- Pour une raison très simple que les gens en quête de pouvoir savent depuis toujours exploiter : la peur. Beaucoup de gens de ma génération, étaient singulièrement... couards! Ceux qui voulaient nous contrôler, nous asservir, n’ont eu qu’à organiser une succession de « Grandes Peurs » comme on les a appelées, et, pour être protégés, les peuples leur ont abandonné leur libre-arbitre, leur capacité de réflexion et de résistance - leur pouvoir. Cet abandon a profité à une caste planétaire qui est devenue « les Maîtres du Monde ». 

 

- Mais pourquoi les gens de ton époque avaient-ils autant peur ?

 

- Ils n’avaient rien connu des grandes épreuves des générations qui les avaient précédés. Ils s’étaient désintéressés de leur passé. Ils avaient été élevés à désirer des petits plaisirs et non de grandes histoires. A vivre l’aventure de la vie par procuration et non dans une empoignade avec le réel. La mort était une obscénité qu’on s’efforçait d’oublier, comme la poussière que l’on cache sous le tapis à dix sous. En outre, sous prétexte de réalisme, comme « on ne trouvait pas l’âme sous le scalpel » ainsi que l’avait déclaré un savant, on avait réduit la vie et l’être à des mécaniques vides que rien ne pouvait transcender. 

 

Il évoque les années où les peuples, sottement admiratifs de l’enrichissement et des gens qui s’enrichissent avaient laissé se creuser des inégalités vertigineuses. Il en était résulté entre quelques mains une concentration monétaire inouïe - donc une accumulation de pouvoir. A côté de la fortune des « Maîtres du Monde » les états qu’ils avaient conduits au surendettement étaient rachitiques. Le déséquilibre était monstrueux entre, d’un côté, les masses, et, de l’autre, ces quelques privilégiés. « La Caste » comme on l’appelait avait subverti les gouvernements nationaux et fini par s’instituer - peut-être dans une bonne intention - responsable de l’avenir de la planète. 

 

- Le pire tyran est celui qui te veut du bien. Cette tyrannie n’a pas de fin, car ce tyran-là te tyrannise avec l’approbation de sa propre conscience. Il veut ton bien. Mais, si tu refuses, tu provoques son ire. Tu nies sa supériorité, sa légitimité à décider à ta place. De sauveur, il devient alors persécuteur. Gare à toi si tu fais partie de ceux qui résistent: dans un monde de peureux, tu ne compteras bientôt plus tes amis que sur les doigts d’une seule main!

 

Le récit de cette période se poursuit durant une demi-heure. A bien des moments, le garçon sent des souvenirs d’épreuves personnelles affleurer sous les mots. 

 

- Nous en étions là. Réduits à l’état du bétail dans son enclos - un enclos aux barrières invisibles mais bien réelles - ne sachant comment nous libérer tant la prison était parfaite et beaucoup de prisonniers complices des gardiens. Le destin de l’humanité, son effort millénaire vers un état supérieur de son être, de sa conscience, était sur le point d’être à jamais anéanti. On aurait des maîtres matérialistes, en quête d’une immortalité artificielle, régnant pour des siècles sur un troupeau pucé. Un troupeau dont « l’empreinte écologique » devrait se réduire progressivement, l’objectif étant d’atteindre l’équilibre entre les besoins de la Caste et la population nécessaire pour les satisfaire. 

 

Les plus lucides d’entre nous, ceux qui avaient rêvé d’un autre destin, se réveillaient chaque matin un peu plus désespérés. Certains finirent par se donner la mort. D’autres devinrent des nihilistes qui répandaient ici et là des destructions et des meurtres jusqu’à ce qu’ils fussent abattus. Je ne faisais partie d’aucune de ces deux catégories, même si leurs pentes souvent me tentaient. Mais il y avait dans ce monde des êtres que j’aimais - en particulier mes enfants, tes futurs parents - et que je ne voulais pas abandonner. Pour eux, contre toute évidence, je tenais à cultiver obstinément l’espoir - ou plutôt l’espérance. 

 

Le vieil homme ferme un moment les yeux. 

 

- Je t’ai expliqué ce qu’était l’Internet, cette sorte d’omniprésence qui supprimait temps et distance. C’était à la fois l’immédiateté, l’ubiquité, et tout le savoir du monde à la portée de presque tous. A force se développer il était devenu l’incontournable Métavers. Un matin, vers dix heures de chez nous, il n’y eut plus aucun accès. Nulle part. Et - on le sut des années plus tard évidemment - ce fut pareil sur l’ensemble de la planète. Ce fut le plus grand vertige qu’eût connu l’humanité, si l’on excepte, quelques années auparavant, le déclenchement de la première « Grande Peur », surnommée « la pandémie médiatique ». Habitués que nous étions à la profusion et à l’immédiateté des communications et à passer chaque jour des heures l’oeil sur nos écrans, nous nous retrouvâmes dans un état de déréliction. 

 

Les heures s’écoulèrent sans que le Métavers redevînt accessible. La nuit vint et passa, blanche pour beaucoup d’entre nous. Le lendemain matin, la panne durant, l’inquiétude vira à l’angoisse. Le Gouvernement dépêcha aux préfets, par la route, des messages vagues qui se voulaient rassurants. Alors, chacun y alla de ses conjectures. Selon les uns, il ne s’agissait que d’un problème technique comme ceux auxquels nous étions de plus en plus souvent confrontés, juste un peu plus compliqué; pour les autres d’une vilénie supplémentaire de la Caste afin de mieux nous affaiblir. Quelques-uns évoquaient un problème énergétique: ne savait-on pas que le Métavers, pour fonctionner, avait besoin d’autant d’énergie qu’un pays ? 

 

Les jours qui suivirent, nous dûmes nous rendre à l’évidence: notre société numérisée, connectée,  notre matrice n'était qu’un château de cartes - d’innombrables cartes - et il s’effondrait. Quelle étrange sensation ! Le système de contrôle mis en place par la Caste - les passes divers, le crédit social, la reconnaissance faciale - tout cela, faute d’accès aux bases de données, ne fonctionnait plus. Ce n’était pas à regretter. Mais il apparut très vite que non seulement son accès mais toute la mémoire du système avait disparu. Celle des banques et de l’argent que nous leur avions confié, celle des droits à la retraite et aux soins. Celle des commandes que nous avions passées et des paiements que nous avions faits. Celle des contrats d’assurance, des titres de propriété et de location. Tout ce qui avait été numérisé avait disparu. Les hommes politiques n’avaient plus aucune preuve de leurs mandats, les diplômés de leurs diplômes, les animaux de leur pedigree. Et je ne parle pas des milliards de consultations frivoles que, faute d’avoir voulu mémoriser comme nos ancêtres, nous faisions chaque jour : pour une recette de cuisine, pour soigner un bobo, pour réparer un objet. Tout cela était fini ! Nous avions été riches d'une mémoire qui n'était pas la nôtre et nous nous découvrions ignares !

 

Le vieil homme s’accorde un nouveau silence. 

 

- Le pire restait à venir. Pour tout ce qui dépendait d’une automatisation, d’une Intelligence Artificielle, d’archives numériques, ce fut la fin. Les usines, les trains, les administrations cessèrent de fonctionner. Plus un avion ne décolla. Puis ce fut le coup de grâce: il nous frappa à la production et à la distribution de l’électricité. Il y eut, sans qu’aucune explication pût nous parvenir, des pannes de plus en plus fréquentes, de plus en plus longues, jusqu’au moment où, au soir de l’automne, le courant ne revint plus. Eclairage, lave-linge ou lave-vaisselle, cafetières, téléphones, ordinateurs, chauffe-eau, voitures, rasoirs, postes de radio et écrans de télévision, lecteurs de DVD, tondeuses à gazon - tout s’éteignit définitivement. Les maisons se retrouvèrent encombrées de cadavres de robots.

 

Fuyant des villes désormais sans ressources alimentaires, des colonnes de réfugiés envahirent les routes et les chemins. Ceux qui avaient, à la campagne, de la famille ou des amis tentaient de les rejoindre. Quand ils y parvenaient, c’était parfois pour ne pas se sentir les bienvenus. Moi, sans nouvelles comme nous l’étions tous, j’attendais néanmoins mes enfants avec impatience. Quand je les aperçus enfin sur la route en contrebas, je me précipitai pour les prendre dans mes bras. C’est ainsi que, quelques années plus tard, tu es né à la ferme. 

 

Au coin de son oeil une larme de tendresse brille.

 

- D’autres familles, sans beaucoup de succès, avaient essayé de se faire héberger à proximité des productions vivrières, ce qui entraîna un peu partout des violences désespérées mais aussi des générosités merveilleuses. Cet hiver-là fut terrible. Beaucoup moururent de faim, de froid, de maladies qu’on ne pouvait plus traiter. Les médecins, privés de leurs ressources technologiques, ne savaient plus diagnostiquer et, privés tout autant des artefacts de l’industrie pharmaceutique, ne savaient plus quoi prescrire. Beaucoup de gens moururent aussi d’un mal nouveau: la détresse. La détresse face à un monde avec lequel ils étaient incapables d’imaginer comment vivre.

 

Des bandes se formaient, de « Flagellants », de « Prédateurs » ou de « Desperados » comme on les appelait. Comme nous pûmes l’apprendre plus tard, elles apparurent partout sur les cinq continents, et ceci en soi est un mystère alors que l’information, qui ne circulait plus à l’échelle planétaire, ne pouvait susciter de telles modes. Il faut croire que l’inconscient collectif recèle de tels archétypes. Les « Flagellants », un retour de la fin du Moyen-Age, à l’époque de la peste, parcouraient les rues et les routes torse nu en se fouettant le corps et en appelant à la repentance une population qui souffrait déjà beaucoup. Ils ne se nourrissaient pas, perdaient beaucoup de sang du fait de la flagellation et mourraient assez vite. Ils n’étaient pas vraiment dangereux mais leur spectacle glaçait les âmes. Les petites communautés qui s’efforçaient de survivre vivaient dans l’angoisse de voir survenir les Prédateurs et les Desperados. Les Prédateurs pillaient, violaient, tuaient puis, quand il n’y avait plus rien dont ils pussent jouir, s’en allaient plus loin et, parfois, dans le désert qu’étaient devenues de nombreuses régions, mourraient de faim en chemin. Les Desperados ne recherchaient rien qu’à brûler, démolir, raser puis finissaient par se suicider. Tous se réclamaient d’une mission transcendantale et pratiquaient des rites grotesques. 

 

Alors que les mémoires numériques s’étaient effacées, les musées et les bibliothèques qui conservaient quelque chose de nos civilisations étaient devenues une proie facile: les systèmes électroniques ne les protégeaient plus. Il y avait eu très vite des vols dont on soupçonna la Caste. Dérober la Joconde ou la Victoire de Samothrace dans la même nuit et sans laisser de trace supposait une réactivité, des moyens et une organisation qui n’étaient pas à la portée de n’importe quel cambrioleur. Mais ceci n’est hélas! qu’un détail de l’histoire: quand les Desperados pénétrèrent dans ces bâtiments, ils brûlèrent ce qui restait de nos civilisations : les livres, les tableaux, les partitions, le mobilier, les films, les enregistrements musicaux. Puis, ils brisèrent les statues et les objets précieux, les souillèrent autant qu’ils purent et dansèrent sur les débris. Quand ils en eurent fini avec les bâtiments publics, après les avoir incendiés, ils rentrèrent dans les maisons, jetant dehors tout ce qui pût avoir une valeur culturelle, fût-ce un livre de cuisine. Bien sûr, en passant, ils se servaient en nourriture. Ils finirent eux aussi par disparaître.

 

- Mais que s’était-il passé en fait ? Avez-vous fini par l’apprendre ?

 

- Isolés comme nous nous retrouvâmes, privés de toute information lointaine, aucune opinion sérieuse ne pouvait être émise. Les imaginations tentèrent évidemment de combler ce vide. Je crois que l’on n’en saura jamais rien. Bien sûr, on a soupçonné la Caste. Avait-elle subitement décidé d’accélérer notre disparition ? De nos jours, on entend encore raconter qu’elle se serait réfugiée au fin fond de l’Amérique du Sud ou de la Chine, où elle aurait préparé ses arrières depuis longtemps. Elle vivrait luxueusement, à l’abri d’épaisses murailles, avec des technologies que nous n’imaginons même pas. Cela fait penser à d’antiques légendes déjà entendues! On a aussi soupçonné des hackers. Ils avaient montré qu’ils pouvaient prendre les commandes d’une usine et y mettre le feu en s’introduisant dans les systèmes de gestion automatisés et en y modifiant les paramètres de sécurité! 

 

- Pourquoi auraient-ils fait cela ?

 

- Par idéal, par jeu, ou par vice. Moins entendus, des astrophysiciens avaient rappelé, avant que les écrans s’éteignent définitivement, les cycles périodiques de suractivité que connaît notre soleil. On était, selon eux, à l’entrée de l’un d’entre eux. Une information peu relayée car, dans le moment, on préférait mettre en avant des périls dont on pût charger les masses: cela permettait, en les culpabilisant, de les manipuler. 

 

Le vieil homme semble regarder très loin. 

 

- Certains invoquèrent aussi une intervention divine. Voyant ce que l’humanité avait fait de sa Création - et d’elle-même - Dieu n’avait-Il pas déjà voulu l’effacer ? Selon les mythes, il avait jadis envoyé le Déluge, concédant quand même à un juste une chance de recommencer l’aventure de l’humanité. Le « Grand Reset », comme il était à la mode de dire au sein de la Caste, aurait-il été en réalité l’oeuvre de Dieu ?

 

En attendant, la réalité la plus crue à laquelle nous étions brutalement confrontés était que nous devions, de toute urgence, tout réinventer de ce qui nous permettrait de survivre. Cette partie indispensable de notre savoir enfoui dans les décombres de notre civilisation devait être reconstruite. Cela demanda des décennies et les premières années furent terriblement rudes, exténuantes, désespérantes. Parfois, même, elles furent horribles, car, si survivre fait des héros, cela engendre aussi des monstres. Le Déluge que raconte le mythe, pour nous, ce furent ces décennies d’épreuve au cours desquelles beaucoup disparurent. Traversèrent un peu mieux que les autres cette période terrible les populations qui formaient de vraies communautés. Par exemple, ce que l’on appelait les « cités », les « quartiers » ou encore les « zones de non-droit » manifestèrent en leur sein une solidarité remarquable. Certes, elles surent s’organiser, mais, surtout, elles eurent l’avantage d’une fraternité qui n’était pas conceptuelle. La fraternité issue d’un récit qui parle d’une famille, d’un sang et d’un sens communs.

 

Aujourd’hui, après cette ascèse terrible, l’humanité refleurit. Nous vivons sobrement mais nous avons réussi à remettre de la douceur et du sens dans nos existences. Nous avons dû ré-inventer comment faire durablement et intelligemment société. C’est-à-dire autour d’une même table, dans le respect et l’écoute de l’autre, sans céder à la crainte de la confrontation. En amont de tout cela, nous avons dû nous réinventer nous-mêmes. Les épreuves dont regorge l’histoire et singulièrement celle que nous venons de vivre ne sont qu’une conséquence des démons intérieurs de notre espèce. Tant que nous ne les tirons pas à la lumière pour les exorciser, ils resurgissent sans cesse et nous dévoient de notre vrai destin. Ce que nous appelons « la Grande Libération » n’est pas la libération de la servitude qu’organisaient les «  Maîtres du Monde ». En vérité, il s’agit de la libération de ce qui, en nous, attire les maîtres et la servitude. On ne fait confiance aveuglément à l’autorité que lorsqu’on a besoin d’elle à n’importe quel prix. C’est l’un des enseignements que nous aurons retenu - je l’espère - de nos épreuves.

 

- Mais quel est ce « vrai destin » dont tu parles ?

 

- « Qui sommes-nous ? D’où venons-nous ? Où allons-nous ? » Notre destin est sans doute de chercher la réponse à ces questions que notre espèce se pose depuis qu’elle est apparue. Mais, ce que nous devrions avoir appris, c’est à nous méfier des réponses que nous sommes tentés de leur donner. Nous ne sommes pas des dieux et ne deviendrons pas comme des dieux. Nous ne sommes pas - et il n’y a pas parmi nous - une « race supérieure ». Nous augmenter avec des artefacts n’a rien à voir avec l’évolution de la vie. « Pécher », dans la langue ancienne, c’est « manquer sa cible. » Quelle est la cible de l’humanité ? Selon moi, c’est ce qui peut nous inspirer un progrès qui vient de l’intérieur. Un progrès qui se mesure à l’harmonie que nous sommes capables de composer avec le Vivant qui nous entoure et dont nous faisons partie...

 

Le vieil homme, soudain, semble gêné:

 

- Je crois que j’ai beaucoup parlé. 

 

- Juste ce qu’il faut Grand-Père. Juste ce qu’il faut. 

 

Ils se regardent avec reconnaissance. Les ombres se sont allongées. Ils reviennent, silencieux et pensifs, vers la ferme d’où l’on vient de les appeler pour le dîner. 

 

* Le titre de cette chronique reprend les trois catégories qui, selon Andreu Sole, définissent un monde: ce que l’on y croit possible, ce que l’on y croit impossible et ce qui ne peut pas y être impossible. 

 

PS: Certaines idées que véhicule cette nouvelle m’ont été inspirées par le livre de Matthew Crawford: Contact, Pourquoi nous avons perdu le monde et comment le retrouver, La Découverte, 2016. 

20/07/2022

Quand nos créatures s’émancipent

L’autonomisation de la technique est un de ces concepts qui, comme le ferait une radiographie, révèlent des phénomènes que nous avons sous les yeux et ne voyons pas, et qui expliquent les pesanteurs et les blocages de notre société. Si notre monde est ce qu’il est, ce n’est pas seulement que nous l’ayons voulu ou que certains d’entre nous, dotés d’un pouvoir démiurgique, en auraient décidé ainsi, et si le réformer semble la plupart du temps impossible, ce n’est pas seulement dû à la mauvaise volonté des politiciens. C’est que nous avons engendré des créatures qui, pour continuer à se développer, se passent de nos décisions et échappent à notre contrôle. 

 

Je commencerai par une anecdote que rapporte Matthew B. Crawford dans Contact, son dernier ouvrage où il montre et analyse comment des couches technologiques de plus en plus épaisses s’intercalent entre nos perceptions et le réel avec lequel nous sommes censés être en interaction. Il donne notamment en exemple le cas de voitures à la technologie si poussée que certains modèles réintroduisent artificiellement les sensations habituelles de la conduite, y compris le bruit du moteur. Dans un de ses chapitres, Crawford évoque la « querelle des orgues ». Cet instrument de musique qui, grâce à des compositeurs comme Bach, accompagne l’élévation de l’âme fut initialement jugé trop charnel par certains et, de ce fait, impropre aux offices. Quelques siècles plus tard, avec l’apparition de l’électricité, nouvelle querelle, cette fois entre ceux, comme Albert Schweizer, qui non seulement préfèrent le son des orgues traditionnelles mais aussi le contact direct avec l’instrument, et ceux, davantage tournés vers la modernité, qui apprécient la puissance et l’aisance supplémentaires qu’apporte leur électrification. Crawford évoque l’orgue du Boardwalk Hall Auditorium, à Atlantic City. Celui-ci compte pas moins de trente trois mille tuyaux - on en ignorerait de fait le nombre exact - et, s’il est évidemment d’une puissance à rendre sourde une foule, il n’est cependant guère jugé particulièrement mélodieux, et ce gigantisme interroge. « Dans l’univers de la musique comme ailleurs, commente Crawford, il semble régner un sentiment d’inéluctabilité de la technique, que l’on tend à considérer comme une force aux impératifs magiques, non pas comme un outil subordonné à la volonté humaine ». 

 

Mais, direz-vous, c’est une personnification empruntée à la poésie: la technique n’est pas une personne et encore moins une déité, elle n’a pas d’intention, de volition, d’initiative propres. Pour reprendre les mots de Crawford, elle ne peut être que « subordonnée à la volonté humaine ». Oui, si l’on considère la technique comme un brevet dans un tiroir, qui décrit froidement une façon de fabriquer des orgues, des voitures ou de produire de la lumière. Mais certaines technique peuvent se révéler de redoutables séductrices. Prenons le cas de l’aéronautique. Au commencement, elle propose une transgression fascinante que quelques scientifiques prophétisent impossible: faire voler le plus lourd que l’air. Ce défi aux lois de la matière va d’abord mobiliser des ingénieurs audacieux, des risque-tout que brûle le désir de s’affranchir de la pesanteur, des mécaniciens passionnés. Autour de son berceau, donc, de bonnes fées et bientôt une véritable élite. Puis, des transporteurs de marchandises ou de personnes, des militaires et des industriels intrépides perçoivent, chacun dans son domaine, les potentialités du vol à moteur. Le public, lui, s’enflamme quand les frères Wright font leur premier décollage (1903); quand Blériot traverse la Manche (1909); quand John Alcock et Arthur Brown, à bord d’un bombardier de la Première Guerre mondiale, rallient l’Irlande depuis Terre-Neuve (1919), et quelques années plus tard quand Lindbergh relie Paris à New York (1927). Qui ne rêve pas, alors, d’avoir un jour la possibilité de faire au moins son « baptême de l’air » ? 

 

 

Passée l’époque héroïque, le système qui se développe autour de l'aviation devient polymorphe. C’est un monde qui se construit: matériel, avec les usines de construction et d’assemblage, les zones aéroportuaires, les industries du tourisme, les approvisionnements en énergie; humain, avec la prolifération des professions et des talents qui lui sont nécessaires. Ce monde a même ses écrivains, ses poètes et ses philosophes dont les noms nous parlent encore aujourd’hui: Saint-Exupéry bien sûr, mais aussi Romain Gary, André Malraux, Joseph Kessel, Jules Roy, Richard Bach. Il promet de l’aventure, du prestige, des revenus et des emplois, des rendements financiers. C’est, au final, un système tellement complexe que, d’une manière ou d’une autre, tous ses acteurs, si divers qu’ils soient et parfois en concurrence, ne peuvent être que solidaires les uns des autres. Le constructeur veut vendre plus d’appareils, le personnel navigant ou au sol veut que son emploi soit garanti jusqu’à sa retraite et s’efforce de faire embaucher ses connaissances. Des touristes de plus en plus nombreux veulent voyager et de plus en plus loin, les hommes d’affaires, les politiciens et les artistes sauter d’un continent à un autre. Les maires des communes où un aéroport s’est implanté, souhaitent que son trafic s’accroisse, crée des emplois pour ses administrés et verse des taxes au budget de sa commune. Des enfants, les yeux levés vers le ciel, rêvent de piloter. Les écoles professionnelles que concernent directement ou indirectement toutes les activités de la nébuleuse aéronautique veulent former de plus en plus de gens. Des stratèges imaginent les armées de demain et les armes que, grâce à l’avion, elles pourront transporter. Tout ce monde n’a en tête qu’un impératif: croître, s’accroitre. Pour le servir, les lobbyistes apparaissent et remplissent diligemment leur mission qui va parfois jusqu’à la corruption. 

 

L’aéronautique est loin d’être la seule technique à avoir eu ce pouvoir conquérant et, si je l’ai prise pour exemple, ce n’est pas que je ressente une acrimonie particulière à son égard, bien au contraire. Vous pouvez examiner vous-mêmes la manière dont d’autres techniques se sont mêlées intimement aux fibres de notre société au point de la dominer et de ne pouvoir en être dissociées: l’automobile, l’informatique, la médecine, etc. A quelques détails près, vous verrez le processus se répéter. Aux origines, un attracteur, une technique nouvelle et audacieuse autour de laquelle s’agglomère une élite: des innovateurs, des pionniers, des utilisateurs précoces et des apôtres dont le récit fondateur nimbe  d’une aura de sainteté les premiers épisodes de l’aventure. Cette aura subsistera alors que, s’éloignant de ses idéaux, le système se sera transformé, devenant à lui-même sa propre fin. A l’abri de ce prestige, il peut polluer, épuiser des ressources stratégiques, bousculer notre environnement, favoriser les maladies, devenir contre-productif : il a acquis la pulsion qui caractérise tout être vivant, qui est de persister dans son être. 

 

La force d’un tel système est dans son polymorphisme: il associe à la faveur d’innombrables transactions des centaines et peut-être des milliers de métiers, d’activités et d’intérêts différents. Il est insaisissable car il n’a pas une tête où se prennent les décisions et avec laquelle discuter, ou que l’on pourrait éventuellement couper comme on a pu le faire d’un roi de France. Son cap, sa consistance et sa résilience sont la résultante des forces hétérogènes qui le composent. Il façonne les paysages de notre vie mais aussi - et surtout - nos représentations, nos croyances, nos comportements. Crawford évoque cette autre capacité qu’il a acquise, qui n’est pas la moindre, qui est de produire un être humain désormais dépendant de lui. Dépendant à cause des désirs qu’il cultive en lui car il en vit. Dépendant, parce qu’il s’impose comme la clé des problèmes qu’il a contribué à créer. Dépendant car sa puissance de persuasion décourage toute critique. Dépendant, parce qu’en fusionnant avec la notion de progrès, il se pose en religion. « Vous voulez revenir à l’âge de pierre ? » est la réponse habituelle aux interrogations que l’on peut partager sur ses dérives. Comme s’il fallait tout prendre ou renoncer à tout. 

13/07/2022

Vacances, rêves et liberté

La période des vacances est le moment de nous extraire de la gangue que forment les multiples pressions de notre quotidien. Elle favorise la remise en question du mode de vie qui façonne le reste de notre année, ainsi qu’une écoute plus empathique des ressentis qu’habituellement nous refoulons. S’ajoutant à cela, la perspective de la rentrée et du « retour à la normale », par contraste avec ce moment de relâche, peut nous inciter parfois à envisager des changements radicaux. Offrir une bifurcation à notre vie, parce que nous sommes insatisfaits du tour qu’elle a pris ou parce que nous craignons la destination qui se profile devant nous, revient à exercer notre liberté. 

 

Il y a beaucoup de flou autour du concept de liberté. Rester immobile au milieu d’un milliard de choix possibles sans aller vers aucun d’entre eux est peut-être enivrant, mais ce n’est pas la liberté. Sinon, cela voudrait dire que ma liberté serait d’autant plus étendue que, sans en élire aucun, je garde tous les possibles par-devers moi. Pire, cela impliquerait que, dès lors que je me risquerai à faire un choix, je m’appauvrirai. Tout au contraire, selon moi, notre liberté est celle du potier qui décide de prendre la glaise à pleines mains, de la poser sur le tour et d’observer ce qui se passe quand on se collète avec la matière telle qu’elle est, avec ses surprises et sa récalcitrance - et avec sa capacité infiniment précieuse d’apporter sa réalité à nos rêves. Un vase qui existe rendra plus de services et apportera éventuellement, par sa beauté, davantage de bonheur qu’une oeuvre qui se blottit peureusement dans notre imagination. On ne peut pas donner à boire dans un verre imaginaire. Prenons un exemple simple, mais qui constitue aussi une bonne métaphore de la manière dont se déploie notre liberté. Avant de savoir lire, de quelle liberté disposais-je dans ce domaine ? Quelles lectures étais-je capable de choisir ? Pouvais-je anticiper les réflexions vers lesquelles elles me conduiraient, les inspirations que ma vie en recevrait ? Evidemment non. Je ne crée de territoire à ma liberté qu’en avançant et en faisant.

 

Mais si, tout au contraire du milliard de choix possibles que j’évoquais plus haut, rien ne se présente à nous ? C’est qu'il est nécessaire de humer le parfum de nos rêves. C’est ainsi que commence le dialogue à nouer avec nous-mêmes quand nous sommes insatisfaits de notre existence. Pour certains d’entre nous, ce pas lui-même est difficile à franchir. « A quoi cela me servirait-il de rêver ? Tout au plus à rendre ma vie actuelle encore plus désolante, à ruiner l’effort d’adaptation que je fais chaque jour ! » Cette réaction part de la conviction que nous ne sommes pas grand-chose, que la vie, de toute façon, est ingrate ou injuste, que les rêves ne peuvent s’y réaliser et qu’il s’agit seulement de survivre. Dès lors, rêver nourrirait une souffrance, celle de notre impuissance. Il est vrai que, si ces rêves ne relèvent que du fantasme, ils ne recevront guère d’énergie créatrice. Parce que je souffre de privations matérielles, j’aimerais être milliardaire, parce que je me sens méprisé, je voudrais être célèbre: en l’occurrence, ces rêves nous parlent moins de nous que de ce qui nous fait mal. 

 

Dès lors qu’un éditeur - le douzième qu’elle tentait - eut décidé d’accepter le manuscrit de Harry Potter, J. K. Rowling devint à la fois riche et mondialement célèbre. Cela nous dit-il qu’elle rêvait de richesse et de gloire ? Peut-être, mais je crois que cela nous dit surtout qu’elle aimait écrire, créer des personnages et des histoires dans le registre du fantastique et qu’elle avait envie de partager cet univers en étant publiée. La gloire et la fortune sont venues de surcroît. « D’accord. Mais alors, moi, quel talent devrais-je développer pour connaître la même réussite que l’auteur de Harry Potter ? » En fait, ne vaudrait-il pas mieux - dans un premier temps tout au moins - laisser de côté la gloire et l’argent comme marqueurs du chemin que nous devons chercher ? Nombre de personnes ont accompli leur vie - et quelle vie! - sans cocher ces cases. L’argent et la renommée vous seront peut-être donnés un jour, mais ce qui importe d’abord est de l’ordre d’un nouvel accord que vous pouvez créer - au prix probable d’une évolution personnelle - entre le monde et vous, entre le monde et ce qui vous rendra heureux. 

 

Le rêve, si l’on prend sa reconnaissance comme le premier pas d’un nouveau chemin, si l’on ne confond pas ce qui vibre vraiment en nous avec ce qui n’est qu’un fantasme de revanche, mérite notre respect et notre attention. Peut-être, dans la plupart des cas, ne le rendrons-nous pas réel, mais il a le charme de nous mettre en route intérieurement. Il se réalisera d’une certaine manière, peut-être méconnaissable, à travers le mouvement qu’il aura suscité en nous. Passer ensuite du rêve à un processus évolutif nécessite que nous ouvrions de nouveaux territoires à notre liberté. Celle-ci ne peut exister que dans la rencontre avec la matière, qu’il s’agisse de l’argile à façonner, d’un nouveau milieu à apprivoiser, de talents à développer. Le paysage n’apparaît que lorsque nous nous mettons à marcher. Notre pensée ne sort de ses ruminations stériles que si nous lui donnons à moudre le grain du réel. Agir, en outre, est une façon efficace - la plus efficace peut-être - de faire connaissance avec nous-même. Nous ne nous découvrons que dans la rencontre avec les chantiers que nous ouvrons. Nous nous explorons grâce aux résonances que le réel éveille en nous quand nous travaillons avec lui. 

 

Dans la recherche d’une bifurcation de vie, à côté de l’impossibilité de choisir l’autre piège serait de ne s’engager que lorsque l’on a réussi à graver dans le marbre la nouvelle existence que l’on va vivre. Anticiper, faire des scénarios, élaborer des modèles, se projeter dans l’avenir, a un intérêt indéniable. Passionné par la démarche prospective, je l’ai maintes fois utilisée pour faire réfléchir des groupes. Mais, loin de le faire pour que les gens se construisent de nouvelles certitudes, je l’ai considérée comme une gymnastique d’assouplissement mental, comme un apprentissage de l’incertitude et une préparation à accueillir l’imprévu. Comme le disait Napoléon, qui savait de quoi il parlait, « il n’arrive que l’imprévu ». S’engager sur une bifurcation de vie, c’est accepter de jouer avec l’imprévu. Au moins deux fois, dans ma vie, j’ai dû ainsi inventer mon métier. J’avais posé ma candidature sur un coup de tête - ou, disons, une poussée intuitive. Je pourrais aussi ajouter, en plaisantant à peine, que là-dessus je fus recruté par erreur. Entendez par là que ce qui m’a le plus servi n’est pas ce qui avait fait retenir ma candidature. Ce que j’ai fait ensuite, je n’aurais pu le construire à l’avance dans ma tête. Certes, je pourrais raconter l’histoire de manière logique et il y eut une sorte de logique. Reste que le chemin fut celui d’un dialogue continu, celui d’un esprit avec ce qu’il perçoit du nouveau paysage où il s’avance, où il a la possibilité de s’incarner, en servant une cause qui lui paraît valable. Mais c’est un paysage qu’il ne domine pas et qui lui réserve des surprises, bonnes et moins bonnes. Un de mes mots préférés est celui d’exploration. Donner un espace supplémentaire à notre liberté ne peut résulter que d’une exploration. 

 

Pour en revenir aux vacances, si les vôtres vous suggèrent les réflexions auxquelles j’ai fait allusion au début de mon propos, je ne saurais trop vous recommander de déterminer l’expérience concrète qui, le plus tôt possible, prolongerait vos rêves de l’été.